Joue droite, joue gauche... ben y a encore le reste...
Je vais tenter de parler du moins possible du film que j’attendais. Mais néanmoins, Tore Tanzt est décevant. Beaucoup trop long pour les constats qu’il finit par faire, il aurait été nettement plus facile de réduire à une heure vingt la durée du film. Car quoique Tore en dise, la religion que montre le film est celle des faibles. Alors que Tore prône le contraire et que sa bonne volonté est un puissant moteur de bonne humeur, son parcours illustre l’inverse. Heureusement, son supplice le sauve de l’inutilité, son action sauve finalement au moins une personne, qui trouve enfin la volonté de se casser de là parce que c’est plus possible. Mais au-delà, son attitude d’esclave soumis provoque un léger agacement, que les scènes chocs du film ne viennent jamais briser (même les séquences prostitution dans les clubs hard gay allemands, de toute façon Tore avait le physique). En fait, si au début du film, Tore est un jeune punk sympathisant du christ tout à fait aimable, serviable et intègre (un petit modèle de catho, sauf que les Jesus’ freaks rejettent les religions qui n’appliquent pas les doctrines du christ (on se rendra vite compte que les membres des Jesus’ freaks non plus, d’où l’enracinement de Tore dans la famille)). Tore se rend compte peu à peu de la nature violente du père de famille, et décide de rester pour affronter l’épreuve de front. Je m’attendais à ce qu’il se dresse pour protéger les enfants des colères et perversions du père, mais à l’exception d’une seule séquence, cet enjeu est complètement éludé. En fait, Tore essaye de présenter sa situation comme un combat où il doit tenir jusqu’à la fin tout ce qu’on lui fait endurer (application linéaire du prêche de Jésus « si on te frappe sur la joue gauche, tends la droite »), mais avec pour seul résultat de se soumettre à la volonté d’un beauf cruel (plutôt bien interprété d’ailleurs) qui humilie et exploite (l’anus de Tore sert bientôt à payer la télé et le mobilier de la maison) sans améliorer un instant la situation. A d’innombrables reprises, on se dit que fuir en emportant les enfants serait la meilleure des options, et que ce serait même possible, les Jesus freaks déménageant à Berlin. Mais Tore reste prendre sa dérouillée quotidienne, sans que la volonté de protection ne prenne les devants. Le film ajoute même un motif amoureux à la décision de Tore. Mais ce dernier reste tellement enfoncé dans ses positions christiques sans jamais rendre les injustices qui lui sont faites… Bordel, le Christ n’a pas chassé les marchands du temple avec des caresses ! C’était un homme aussi ! La part divine, que le film montre essentiellement constituée d’amour, excuse-t-elle l’inaction de Tore qui ne fait que prolonger la situation des enfants sans ostensiblement chercher à prendre pour eux ? Malgré la déconvenue de voir la religion être représentée d’une aussi faible façon, la facture technique du film, très punk, est excellente, et la bande originale accompagne très bien l’ensemble du parcours suivi par Tore. On est quand même loin de la nouvelle Passion, ou alors celle des faibles, pour qui mourir représente une forme de courage (la cause est si ténue au final qu’on peut dire que Tore, malgré l’étincelle de volonté qu’il a ravivé chez la fille aînée, est mort pour un poulet et un kangourou). Je n’aborde même pas le personnage de la mère, qui m’a semblé d’un illogisme psychologique complètement sidérant (comme si se mettre à torturer du jour au lendemain quelqu’un qui l’avait aidé était naturel). Tore Tanzt, c’est la révolution des faibles, et malgré le climat, ça ne m’a pas beaucoup parlé.