Il est d'habitude plus aisé de prendre un plaisir total à la projection d'un film des Coen brothers. Ave César ! peine à prendre ses marques, flottant entre la comédie qui joue de la reconstitution maniaque d'une époque révolue et charge mordante contre le système économique dominant à Hollywood.
Soit Eddie Mannix qui nous plonge au temps des grands studios des années 1950 (ici, il s'agit de Capitol Pictures, studio fictif qui emploie aussi Barton Fink et que l'on trouvait aussi accolé à l'enseigne d'un bar dans Miller's Crossing), « fixeur » qui se retrouve confronté à l'enlèvement de la star du studio en plein tournage d'un péplum au budget exorbitant. Eddie Mannix (Josh Brolin, très bien) est lui même plongé dans quelques impasses existentielles (le film s'ouvre par une séquence au confessionnal). Il est le fil rouge qui conduit le spectateur au cœur de différents tournages parodiques assez réjouissants « à la manière de » Busby Berkeley, Stanley Donen ou Mervyn Le Roy pour le péplum. Ces séquences produisent un plaisir nostalgique qui invite à se replonger dans le cinéma américain des années 1950. La reconstitution du mélo à la George Cukor est particulièrement savoureuse. Mais la convocation de caméos ne parvient pas toujours à construire la comédie de caractères à laquelle les frères nous avait habitué. La comparaison des apparitions de Frances MacDormand et Jonah Hill est à cet égard fort éclairante : la première est hilarante alors que la deuxième ne fait que resservir la galerie de crétins au menu habituel des Coen et aurait pu avantageusement disparaître au montage… C'est peut être loin du studio que le film prend plus de consistance. C'est dans une villa à Malibu, qu'on croirait sorti d'un James Bond, où sont réunis George Clooney (qu'on a connu plus subtil…) et une assemblée de scénaristes exploités, que se dévoilent les plus belles idées du film : des discussions délirantes sur les mécanismes hollywoodiens comme révélateurs du système économique ou l'apparition d'un sous-marin russe au clair de lune… Dans ces moments seulement, le film échappe à sa mécanique un peu lourde pour atteindre une dimension plus onirique, emblématique aussi du cinéma des Coen. Réjouissant mais rarement enlevé, le film ne convainc donc pas totalement.
PS : Au jeu du qui est qui, on peut imaginer :
Charlton Heston ou Robert Taylor pour Baird Whitlock (George Clooney), célèbres pour leurs rôles dans les plus fameux péplums.
Esther Williams pour DeeAnna Moran (Scarlett Johansson).
Audie Murphy pour Hobie Doyle (Alden Ehrenreich), le cowboy chantant.
George Cukor pour Laurence Laurentz (Ralph Fiennes).
Gene Kelly pour Burt Gurney (Channing Tatum).