Bon père, mari prévenant, catholique scrupuleux et responsable de studios, Eddie Mannix (Josh Brolin) a tout d’un homme occupé. Sa mission consiste à produire des films conciliant les exigences du président, les doléances irrationnelles des metteurs en scène, les lubies de ses stars infantiles, érotomanes ou alcooliques, le tout sous le harcèlement de la presse. Ave, César respecte les trois unités du théâtre classique :
• Le temps : une dure journée ;
• Le lieu : les studios ;
• L’action qui, bien que diluée, semble porter sur la description d’une major des années cinquante.
Que nous disent les frères Coen ? Que le cinéma est un divertissement produit industriellement, qu’il possède une portée politique, que les acteurs sont de grands enfants qui parviennent, parfois, à se sublimer. Ils ne prétendent pas renouveler le genre, juste nous divertir. La distribution est brillante, bien qu’écrasée par la présence du solide et monolithique Mannix. Confus, le scénario s’égare dans le film à sketches : le péplum du centurion Georges Clooney, la comédie musicale gay friendly de Channing Tatum, le western et le drame d’Alden Ehrenreich, les ébats de la naïade Scarlett Johansson.
Je sauverais les décors et un ballet nautique somptueux, une douce nostalgie pour une Amérique triomphante et maccarthienne et quelques dialogues savoureux. La controverse sur la nature de Dieu entre le pope, le curé, le pasteur, le rabbin et un Mannix perplexe, est jubilatoire :
- Dieu est-il divisé ?
- Oui. Non.
- Il y a unité dans la division.
- Non, division dans l’unité.
- DIEU EST LUI MÊME.
Le juif de conclure : Ces hommes sont mabouls.
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Laissons conclure le beau mais fragile Clooney : « Ils ont pigé les lois qui pigent tous, absolument, histoire, économie, dans un bouquin appelé capital, avec un K. Le studio fait des films pour servir le système. » Deux claques !