Dix ans. Ça fait pratiquement dix ans que Marvel Studios s'est imposé dans le paysage cinématographique de divertissement, enchaînant les succès commerciaux, pas toujours critique, et dans le même temps à fidéliser un public grâce a une logique sérielle de leur long métrages, l'un annonçant le suivant par une scène post générique. En somme une série télé ultra produite sur grand écran.
Après six années d'annonces de l'architecte du MCU Kevin Feige, de teaser sur le film et de son grand méchant Thanos, Avengers : Infinity War, pensée comme un diptyque dont la suite est déjà prévue pour l'année prochaine, est le point d'orgue du MCU. Conçu pour à la fois clore un chapitre de la saga et se projeter dans l'avenir pour (encore 10 ans !?) un nouveau départ.
Après tout pourquoi se priverait-il, vu le succès déjà annoncé du film. La route est pavée d'or pour Marvel, d'autant que la Distinguée Concurrence n'en finit plus de patiner dans la semoule avec le DCEU, une poubelle de projets plus ou moins ratés qui cherchent à reproduire la formule marvel quitte à renier sa propre identité, s'intégrer dans un moule beaucoup trop utilisé ne garantit pas la réussite d'un projet, (coucou Justice League), une fois le démoulage terminé on obtient certes, un bel étron bien moulé comme il faut, mais ça reste un étron.
Bref, tous les voyants sont au vert pour cette petite entreprise et vous en reprendrez bien encore pour dix ans, non ?
AIW illustre à la fois les qualités et les défauts de ces énormes "Crossover", rassemblement dans le domaine du comics de tous les héros autour d'une histoire, d'un enjeu à dépasser pour la survie de l'univers. A la fois terriblement généreux dans le spectacle proposé, avec différents fronts de guerres et enjeux qui en découlent, on se réjouit que les frères Russo est mis le holà sur les caméras tremblotantes proche de l'action avec un montage trop sec pour vraiment profiter des combats, pour un changement d’échelles plus proches des grandes batailles du Seigneur des anneaux avec des plans panoramiques balayant des contrées de synthèse, la réalisation et la mise en scène n'est jamais grandiose ni spécialement inspirée mais globalement fonctionnelle.
On profite tout de même de quelques scènes plus ésotériques et intimistes, plus proches des visages pour capturer l'émotion permanente d'urgence et de doute face à l'inéluctabilité des événements.
Quelque part on peut se dire que AIW réussie l'essentiel, il offre au MCU son grand vilain qui lui manquait tant, personnage charismatique campé par Josh Brolin dans la version originale, Thanos le titan fou, plus mélancolique que fou dans cette version, les scénaristes et les Russo ayant choisi une approche plus humaine pour traiter leur méchant, c'est une réussite à la fois, dans sa dimension technique et sa représentation à l'écran et son écriture, il est bien le seul à avoir un développement de personnage digne de ce nom, mais je n'en dirai pas plus par peur de divulgacher les rares rebondissements et intérêts de l'intrigue.
Généreux donc, mais tellement foutraque. On ne va pas jouer les surpris non plus, on connait les limites des ces productions, réalisés à la chaîne, plus par des faiseurs encadrés par les producteurs et un cahier des charges colossale que par des cinéastes aguerri, il est loin le temps de Sam Raimi et de Spiderman 2, bijou du genre et, semble t-il, symbole d'une époque révolue.
Foutraque dans sa structure, beaucoup de problèmes de rythme et de répétitions, peut être inévitable, après tout le film reste une course contre Thanos qui cherche à récupérer les gemmes d'infinités, chacune représentant un checkpoint pour un affrontement gentil VS méchant, et qu'il puisse réaliser son devoir envers l'univers. On n'évite pas l'injonction à faire de l"humour à tout prix par moment mais surtout bête à en mourir pour remplir le vide et tenir le spectateur éveillé, mais qui trouve un bon écho si j'en crois les réactions de la salle. Ni les facilités d'écritures et raccourci pour permettre l'avancée du scénario, et que dire des Deus ex machina insérés au chausse pied, même si chaque spectateur n"en tiendra pas forcément rigueur au film selon son degrés de bienveillance.
Reste cette fin, cette fin qui fera débat, qui quelque part cristallise le fait d'avoir foi, de croire profondément ou pas dans ces histoires, et donc d'être investie émotionnellement dans ses œuvres. A la vue des cinq dernières minutes du film et des événements présentés, à t-on envie d'être dupes ? Est-ce que Marvel Studios va oser assumer ses choix ?
Ces questions resteront en suspend jusqu'à l'année prochaine en attendant la suite de Infinity War, et qui sait retrouver pour ma part selon ce qu'il en ressortira une vraie envie de continuer à suivre l'aventure Marvel au cinéma.