Le cœur sur l’accélération, la main sur le frein

10 ans à éparpiller les fragments, 10 ans de haut et de bas. Il était enfin temps de tout rassembler dans une quête ultime, là où l’âge d’or des super-héros dominent l’industrie cinématographie sur de nombreux points. Si cette longue préface captait notre attention avec frénésie, les frères Joe et Anthony Russo en ont décidé autrement dans ce volet, où se matérialisent un tout nouveau ton et une toute nouvelle sensibilité. Mais ne nous voilons pas la face quant à ce qui préoccupe tous les esprits, à savoir la cohésion des différents héros, comme de leur interaction avec le méchant le plus profond et le plus réussi du Marvel Cinematic Universe. Mais même lorsque les signaux virent rapidement au vert, il reste quelques retenues que l’on parsème de temps à autre, constituant le principal défaut, lié au casting titanesque.


Personne ne boudera le plaisir de retrouver ses héros préférés, dans la plus grande des vulnérabilités. Aucun d’entre eux n’est intouchable et c’est ce qu’il faut retenir de cette première partie d’une guerre royale. L’enjeu est de taille et on ne peut en capter tout l’essence une fois que l’on se rapproche de ces moments forts en émotion. On joue avec le cœur comme une balle rebondissante. L’intérieur cache un potentiel qui ne dépend pas que du lanceur. Il faut quelqu’un à la réception, et c’est au public de manifesté tout sa motivation à l’idée de construire son fantasme autour d’une aventure démesurée, qui relâche rarement la pression.


Concernant les héros, nous savons déjà énormément d’eux. Leur figure ne sert que de support afin de mieux introduire les nouveaux méchants, dont un particulièrement bien huilé. Sans plus attendre, parlons de Thanos, noble archétype du super-vilain. Il incarne la fureur et la matrice de ce que doit sacrifier un justicier afin de gagner. L’image qu’il donne de lui est crédible, tout comme sa motivation légitime. Tout repose sur l’écriture de ce personnage qui n’oscille pas entre le bien et le mal. Cependant, il questionne sur la légitimité des actes, aussi extrémistes soient-ils. Les têtes d’affiches portent ainsi l’étendard la sagesse, bien que l’on note quelques maladresses dans le développement de quelques duos ou trios. De ce fait, certaines personnalités s’entrechoquent et c’est Thanos qui tire avantage du manque de préparation pour mieux régner, alors que le spectateur se régale de les voir piétiner pour leur survie.


Notons toutefois que le film souffre évidemment d’un angle de lecture complexe à partir du moment où certaines scènes sont surcuttées. Les chorégraphies semblent parfois brouillonnes sans pour autant freiner sur les effets visuels. En plus de cela, le dosage de l’humour préoccupe, car son seul but est de rythmer le récit ou bien de désamorcer des phases trop rigides en tension dramatique. Et pour le coup, on perd de cette dramaturgie qui domine clairement l’état d’esprit d’un film qui tient ses promesses jusqu’au bout du voyage, ou presque. Dans l’excès par moment, on se permet une pause que l’on rattrape aussitôt par une transition hasardeuse, digne d’une visite touristique sans guide et sans recul sur la situation. C’est presque affligeant de voir ces scènes sombrer dans une folie comique alors que le tempérament de certains personnages ne demande qu’à évoluer au plus vite.


L’œuvre se permet ainsi de sacrifier une partie du drame contre de l’action qui fait son effet. Cependant, la redondance de la narration a de quoi en irriter plus d’un, notamment lorsque le spectateur s’aperçoit qu’il est assis sur ses 2h29 de divertissement. Oui, le film s’étire jusqu’à en rogner un travail de fond qu’on se garde pour un dénouement exceptionnel. Cela ne justifie pas tout mais ces dernières images sont présentes pour nous rappeler la densité de cette superproduction.


Par bonheur, « Avengers : Infinity War » se révèle être le spectacle attendu depuis un moment chez le studio, où le mérite se distribue au lance-pierre. Loin de la définition d’un space opera lambda, des risques sont assumés avec ambition et générosité. Ici, on y voit comme une réconciliation avec le fan de comics et le cinéphile qui peut reconnaitre une grande sensibilité. Il n’y a que du concret à se mettre sous la dent et on s’en réjouit, malgré un maigre récit dont on bourre les vides avec des affrontements qui baissent rapidement en régime. Héritage d’un long fil rouge, il reste encore un bout de ficelle à découvrir. Le sentiment d’inachevé est très fort, ce qui pousse la révolution à son maximum, optimisant ainsi les discours que l’on perd tout au long des péripéties. Rendez-vous dans un an pour la résolution d’un acte qui n’a pas fini de véhiculer de son potentiel spectaculaire et émotionnel.

Cinememories
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le 26 avr. 2018

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