10 ans ! Après 10 longues années consacrées à poser les bases de son univers, le MCU se devait de relever son ultime pari en faisant converger toutes ses intrigues par le biais d’un gigantesque cross-over d’une ampleur sans précédent. Soucieuse de plaire au plus grand nombre, la machine infernale de Kevin Feige nous aura gavés de films inégaux, bien souvent trop popcorns et affligés d’un schéma trop calibré, voir presque périmé. Bien souvent comparés à une série de films ne suffisant pas à eux-mêmes, le MCU aura démontré pour le meilleur et pour le pire que l’expérience cinématographique d’un tel projet ne résidait finalement non pas dans les films en eux-mêmes mais bel et bien dans ce concept même d’univers partagé.
Il serait difficile de ne pas reprocher aux films du MCU leur manque d’ambition, Marvel a cependant fait preuve d’une audace certaine en osant miser sur des seconds couteaux méconnus et peu vendeurs au premier abord. A ce titre, la Maison des idées peut se targuer d’avoir réussi là ou DC a échoué en transformant des personnages aussi incongrus qu’Antman et les Gardiens de la galaxie en licences lucratives. Le procédé aura néanmoins montré quelques travers, notamment à travers Thor Ragnarok, Spiderman Homecoming et le second volet des Gardiens qui sous couvert de vouloir briser les codes flirtaient dangereusement avec la parodie bête et crétine. En dépit de défauts récurrents (méchants en carton, surabondance de blagues et d’explosion sans réelle vision et enjeux), le MCU aura su cultiver avec brio une recette efficace et particulièrement vendeuse assurant un succès fulgurant à chacun de ses volets. Paradoxalement, c’est bien là que réside l’un des importantes critiques que l’on pourrait adresser à l’association Marvel/Disney, l’absence de prise de risque. « On ne change pas une équipe qui gagne ! » l’adage demeure et trouve ici tout son sens comme une réponse cynique au manque d’exigence d’un public déjà largement conquis.
Les frères Russo avec ce troisième volet d’Avengers avaient pour lourde tâche de non seulement marquer une rupture mais également de conclure une ère. Véritable fil rouge du MCU, la quête des pierres de l’infinie se devait d’offrir une conclusion intense et spectaculaire à la hauteur de l’attente suscitée dès le premier Avengers.
Qu’on se le dise tout de suite, à défaut d’être un grand film Infinity War s’inscrit comme un plaisir coupable très satisfaisant et apporte enfin au MCU une touche plus sombre et tragique plus que bienvenue. D’entrée de jeu, le film marque une rupture glaçante avec ses prédécesseurs plongeant immédiatement ses héros dans la tourmente. L’espoir s’effiloche, les têtes tombent et les malheureux héros s’en prennent véritablement plein la poire. Comme une réponse aux reproches adressés à Marvel quant à ses antagonistes stéréotypés, Thanos se démarque, comme promis, comme la véritable figure de proue du film. Charismatique, imposant, terrifiant, le Titan se révèle être non seulement comme le personnage le plus mémorable du film mais également comme l’un des antagonistes de blockbusters les plus réussis. Bien qu’ayant fait l’impasse sur sa romance avec la mort, l’intrigue parvint habillement à éloigner Thanos du stéréotype du boss de fin pour exprimer toute la dualité du personnage. Ses motivations visant à éliminer la moitié de l’univers pour préserver l’équilibre auraient pu paraître quelque peu simpliste au premier abord mais le film ne tombe pas dans le piège en ayant l’intelligence de travailler le background et le passé de l’antagoniste pour justifier ses actions. Loin d’être manichéen, le Titan surprend par son humanité et sa relation tragique avec Gamora car le film prend ici, véritablement le temps d’établir une relation authentique entre Thanos et ses opposants. Loin d’en ressortir indemne sur le plan psychologique, le spectateur se surprend même à éprouver une parcelle d’empathie pour cet ennemi génocidaire. Véritable pied de nez fait aux précédents opus du MCU, le méchant est ici le personnage le plus développé.
L’Ordre Noir en revanche offre un bilan bien moins élogieux, ses membres n’étant finalement que de la chair à canon en CGI ne bénéficiant d’aucun développement à l’exception d’Ebony Maw livrant quelques scènes de combats spectaculaires.
Face à la difficulté non négligeable de gérer un imposant casting de héros aux personnalités diverses, les Russos s’en tirent honorablement. Certes la majorité des personnages ne sont ni développés, ni mis en avant mais les 18 précédents films pallient sans peine à ce défaut, ayant déjà permis au spectateur de se familiariser et de s’attacher au plus obscur siderkicks. Il est regrettable en revanche que la majorité des interactions entre les personnages soient constitués de calembours ne faisant pas toujours mouches. Pour le meilleur et pour le pire, le film ne lésine bien évidemment pas sur l’humour potache mais à l’inverse d’un Thor Ragnarok, les Russos prennent cependant ici soin d’équilibrer badinages, moments d’exposition et dénouement octroyant une véritable intensité à l’ensemble. Afin de traiter l’ensemble des personnages sans qu’ils ne se marchent dessus, le film prend le parti de présenter différentes storylines permettant aux spectateurs de suivre les péripéties de différentes petites équipes. Toutefois, si aucun personnage n’est réellement oublié ou mis de côté, il est toutefois regrettable que le traitement des protagonistes soit si inégal. Ainsi si les relations entre Iron Man, le Docteur Strange et les gardiens fonctionnent à merveille, l’équipe de Captain America est plus là pour prendre la pose qu’autre chose. De même si Vision, Thor et la Sorcière Rouge sont sublimés par le film, tout ce qui touche à Black Panther et au Wakanda est pour le moins décevant. Le pauvre Banner quant à lui n'est plus qu'une caricature.
Bien que bénéficiant d’un début intense et d’une conclusion à couper le souffle, le film n’est cependant pas exempt de facilités scénaristiques et souffre malheureusement d’une perte de rythme notamment durant la bataille du Wakanda, certes vendeuse sur le papier mais tombant dans les affres de la surenchère. Coté réalisation les Russos se montrent encore une fois bien trop sage et classique et livrent des batailles certes impressionnantes mais totalement hachées par un cadrage maladroit, nuisant gravement à la lisibilité des scènes pourtant remarquablement chorégraphiées. Fort heureusement, la bataille d’ouverture contre Ebony Maw et surtout l’affrontement final sur Titan offre son lot d’intensité et d’émotion tout en bénéficiant d’une mise en scène plus inventive.
Souffrant de faiblesses certaines, le film parvient cependant à reprendre un envol fulgurant, lors des vingt dernières minutes offrant une fin coup de poing totalement en opposition à ce à quoi le MCU nous avait habitué jusqu’à présent. Démontrant qu’il n’est pas possible d’atteindre les sommets sans sacrifice, Infinity War réussi son pari et laisse le spectateur incrédule. Il reste à espérer que la suite soit à la hauteur et nous livre une conclusion tout aussi marquante.