Ces dernières années, parmi les plus populaires blockbusters américains, le MCU (rien à voir avec le mouvement circulaire uniforme en physique) a fait couler beaucoup d’encre. Deux extrêmes semblent se confronter : les « fanboys » et « fangirls », adorant cet univers tout comme ils affectionneraient, et les détracteurs, s’insurgeant contre l’absence de « cinéma » dans le processus et le formatage de cette industrie. Et moi, dans tout cela ? Je me place entre les deux : les blockbusters ont toujours été mercantiles et le plus souvent dépourvus de prises de risque, puisqu’ils sont destinés à un large public. Leurs qualités et leurs défauts se retrouvent ailleurs, il y a du bon et du mauvais. Qu’en est-il du MCU ? C’est juste très inégal. Pour un Iron Man bon on a eu deux suites assez médiocres. Pour un Captain America et Avengers sympathiques on a eu une trilogie Thor assez déplorable. Ce n’est pas faute de s’être essayé à plusieurs genres (space-opéra avec Les Gardiens de la Galaxie, thriller politique avec The Winter Soldier, la fable avec Black Panther, l’épopée magique avec Doctor Strange), mais l’impression de redondance restait présente. Survient alors la question : ne peut-on plus raconter des histoires « originales » de super-héros ? The Dark Knight et Logan ont prouvé que le genre pouvait être traité différemment…


Eh bien… Cet Infinity War m’a agréablement surpris ! Je ne savais pas quoi attendre de ce « crossover le plus ambitieux de tous les temps » mais force est de constater que beaucoup d’erreurs coutumières aux films Marvel ont été habilement évitées ! La mise en scène a pris de l’ampleur et souligne brillamment les actions de nos héros ! Bon ce n’est pas grandiloquent non plus mais après le montage charcuté de Winter Soldier et Civil War, ça fait du bien d’avoir de la fluidité et de la lisibilité ! Ce film est un spectacle généreux et rythmé, sans temps mort, remplissant parfaitement son rôle de divertissement. C’était aussi le cas du premier Avengers qui, passé son efficacité, se révèle juste correct, mais là… On a atteint un cran au-dessus ! Un rêve de geek et d’enfance réalisé que de voir autant de super-héros réunis en un film. Aussi commercial le film soit-il, il en fait rêver plus d’un et on peut au moins lui accorder ce mérite.
Infinity War est doté d’un aspect inédit pour un film du MCU : le tragique. Dès l’introduction, la couleur est annoncée :


Les Asgardiens massacrés sitôt qu’ils ont quitté leur terre détruite… Heimdall et Loki tués. C’est inattendu et ça fait pourtant du bien car le ton est donné dès le début


Et tout le film se poursuit ainsi tout du long, même si des moments plus légers viennent le combler. Sauf que, au contraire des autres Marvel où l’humour envahissant désamorce les passages dramatiques, c’est toujours judicieux et l’atmosphère n’en est jamais altérée. Là se situe la principale force du film : il est un parfait équilibre entre chaque ambiance de toutes les sagas développées jusqu’alors.


Parlant de développement… Tant de personnages réunis dans un même film risquaient d’en laisser de côté pour en privilégier d’autres. Heureusement, plutôt que de tous les réunir tout de suite, Infinity War a préféré les faire se rencontrer au fur et à mesure et scinder l’histoire en trois principaux arcs narratifs. Certains « raccourcis » étaient toutefois indispensables pour les amener, je pense notamment à Spider-Man qui passait à côté du vaisseau alien comme par hasard ou encore les Gardiens de la Galaxie qui n’étaient pas loin de Thor. Mais pour un film de 2h30 devant gérer une trentaine de personnages, on pardonnera aisément, car même des personnages peu intéressants dans leurs films respectifs prennent ici de l’ampleur. J’aimerais un peu m’attarder sur l’ensemble, puisque, comme on dit, les personnages font la force d’une œuvre !


Les Gardiens de la Galaxie, pour commencer. D’aucuns prétendent qu’ils n’ont pas leur place dans ce film. À cela je réponds que sans eux, le film n’aurait pas existé. Non seulement ils s’intègrent bien à l’ambiance en dépit de leur provenance différente, mais en plus ils s’avèrent indispensables au déroulement du scénario. Certes, Rocket, Drax, Mantis et Groot servent surtout de soutien et d’humour, pourtant ils demeurent attachants. Quand à Starlord, s’il est toujours aussi antipathique, il est à l’origine d’un moment déchirant… Tout comme Gamora, clairement la mieux écrite du lot.


Thor mérite un paragraphe à lui tout seul. Je trouvais que le personnage avait été ridiculisé dans Thor Ragnarok, ici il est bien mieux mis en valeur et incarne à merveille sa fonction de « héros mythologique ». Un homme brisé, ne disposant plus que du rire comme consolation, se rue vers une nouvelle quête dont le nom porte vengeance. Et quand on sait comment ça finit…


Iron Man est lui aussi bien écrit : ici il se définit par ses interactions avec les autres. Celle de mentor avec Spider-Man (qui se révèle enfin attachant malgré ses calembours) et avec Doctor Strange en tant « qu’égal ». Ce dernier est l’une des surprises du film : outre son gain en puissance et en sagesse, il « manie » excellemment l’intrigue et impose par son charisme.


En fait, les plus « intrus » du lot proviennent indubitablement du côté de Captain America. Si Wanda et Vision forment un couple crédible, Captain America, la Veuve Noire, le Faucon et War Machine se méprennent à des gardes du corps… Même Bucky, teasé à la fin de Black Panther, n’est qu’un soldat parmi tant d’autres ! Heureusement que ça fait plaisir de revoir le Wakanda… Et puis, leurs interactions restent tout de même au mieux épiques sinon rigolotes. Reste le personnage de Bruce Banner, déjà humilié dans Thor Ragnarok, il sert ici de bouffon qu’aucun prétexte scénaristique n’excuse.


Mais que serait un film de super-héros sans son méchant ? Voilà la plus grande erreur du MCU enfin rattrapée : Thanos est le véritable protagoniste. Non content d’être charismatique, il ne verse jamais dans le manichéisme, ses motivations sont travaillées et sa psychologie est profonde. Pourquoi n’ont-ils pas aussi bien écrit un méchant avant ? Ici il sert d’antagonisme mais ne tue jamais gratuitement, ne pousse jamais de rire sardoniques… Il est véritablement humain.


: Deux de ses scènes m’ont marqué. Celle où il doit sacrifier Gamora pour obtenir La Pierre de l’Ame… Il a beau être en CGI, ses larmes étaient plus sincères que n’importe quel acteur. Un moment tragique et imprévisible que je n’aurais jamais espéré voir dans le MCU. Et il y a aussi le moment où il revoir sa fille Gamora en étant enfant « - What did it cost ? – Everything


Avec ce panel de personnages pour la plupart bien écrits, ce méchant tragique et attachant, cette action spectaculaire, ses moments forts, Infinity War réussit là où beaucoup des précédents ont échoué, et il s’inscrit parmi mes films de super-héros préférés avec les Spider-Man de Sam Raimi, The Dark Knight et Logan. Mais surtout… Alors que le MCU s’était engouffré dans la dichotomie « gentil/méchant », alors qu’aucune surprise n’égayait leur déroulement, Infinity War ressemble à un désespoir où les rires en deviennent presque nerveux, tant le ton s’avère pessimiste. Ce film a pris des risques, et pour un blockbuster tout public, ça fait du bien !


Infinity War est un « briseur d’espoirs ». Il s’amuse avec le schéma de super-héros pour mieux secouer le spectateur. Cette course contre la montre prend une tournure inattendue…


Tout le film essaie de faire croire que les héros triompheront de Thanos. Plusieurs opportunités leur sont données : quand ils vont retirer le gantelet mais que Starlord pète un plomb en apprenant la mort de Gamora, quand Wanda tue Vision pour détruire sa pierre, mais que Thanos remonte le temps pour le tuer de nouveau… Et quand Thor plante sa hache dans torse, aboutissement d’une vengeance menée tout le film, pour que Thanos lui lâche une réplique cinglante « Tu aurais dû viser la tête ».


Infinity War a donc tué quatre personnages importants du MCU : Heimdall, Loki, Gamora et Vision, et la moitié du casting est parti en poussière, parmi lesquels nous pouvons citer Bucky, Faucon, Black Panther, Starlord, Drax, Mantis, Groot, Doctor Strange, Wanda… Ou encore Spider-Man, disparaissant dans les bras d’Iron Man dans une scène terrible de tristesse. Peut-être qu’ils reviendront dans la suite (en espérant qu’elle n’efface pas tout le tragique dont la licence avait bien besoin) mais il n’empêche que le choc est quand même présent !


Et le film s’achève sur le méchant qui a gagné, tout sourire dans sa campagne, annonçant qu’il reviendra… Presque du jamais vu.


Ainsi, aussi surprenant que ça puisse paraître, Infinity War est un très bon film à mes yeux, et, peu importe comment la suite du MCU se déroulera, je pourrai revoir celui-là avec plaisir. Les enjeux sont réels, l’action est spectaculaire, les personnages sont attachants, le scénario est surprenant et les moments forts abondent. C’était tout ce qu’on exigeait et même davantage.

Créée

le 23 mai 2018

Critique lue 115 fois

Saidor

Écrit par

Critique lue 115 fois

D'autres avis sur Avengers: Infinity War

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

205 j'aime

54

Avengers: Infinity War
Larrire_Cuisine
5

Boum boum piou-piou (rires) boum piou BOUM !

DISCLAIMER 1 : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorable à un système de notation. Seule la...

le 2 mai 2018

116 j'aime

9

Avengers: Infinity War
Sergent_Pepper
7

Mise à mort des pères sacrés

Il suffit peut-être de ne plus rien attendre d’une franchise pour lui donner l’occasion de nous prendre par surprise. Alors que le MCU croule sous son propre poids, hésitant entre la machine cyclique...

le 7 mai 2018

109 j'aime

11

Du même critique

The End of Evangelion
Saidor
5

L'opposé de l'inverse donne l'égal

Ainsi s'achève "réellement" l'une des séries d'animation japonaise les plus cultes des années 1990. Une vraie fin pour satisfaire des fans mécontents par la première version, presque à juste titre...

le 16 juil. 2017

15 j'aime

1

Shadow and Bone : La Saga Grisha
Saidor
7

De la YA fantasy, mais en bien

Les séries fantasy se multiplient ces derniers temps. Féru du genre, je ne peux que saluer le principe, toutefois je dois tempérer mon enthousiasme face à l’acceptation de l’âpre réalité : c’est un...

le 27 avr. 2021

14 j'aime

1

Adventure Time
Saidor
5

Je n'accroche pas

Contrairement à Regular Show et Gumball, dessins animés que je déteste au plus haut point, j'arrive quand même à comprendre le succès de Adventure Time et je pense que si il faut regarder un dessin...

le 14 août 2015

14 j'aime

8