Je s'appelle Steve Rogers.

Nous y voilà. Il y a des Marvel que je trouve sympas sans plus (Doctor Strange, Black Panther), d'autres carrément mauvais (Thor : Ragnarok, dont l'intro d'Infinity War montre le potentiel dramatique gâché), et encore certains excellents (Captain America : The Winter Soldier). Et celui-ci se trouve dans cette dernière catégorie.

Le MCU de mon point de vue n'est vraiment composé que des films, les séries n'ayant jamais été à la hauteur de leurs ambitions. Ces films sont en soi une même grosse série, inégale, mais dans l'ensemble sympathique. Finalement, ce n'est pas tant un cross-over que le point d'orgue d'une même fresque ; seule la Phase 1 faisant exception.

Les deux précédents métrages des frères Russo (Winter Soldier et Civil War) étaient géniaux, et c'est sans surprise que leur talent s'exprime encore ici. Le pari est tenu : ils ont réussi à faire coexister et interagir tous ces personnages, développés au travers des films précédents, éponymes ou non, dans une intrigue cohérente et intéressante : j'ai été heureux de constater que Thanos n'est pas un personage manichéen. Surtout, adopter son point de vue, presque comme si c'était lui le héros, qui une fois son travail terminé va se poser dans sa maison de campagne, était couillu.

Au niveau des interactions entre les personnages, j'ai retrouvé l'un des points forts du premier Avengers (film qui ne m'avait pas fait décoller de mon siège non-plus), cette sensation de voir des étrangers aux personnalités marquées se rencontrer, collaborer face à un même ennemi. Les dialogues peuvent parfois être ridicules ("Steve et moi, c'est fini, on ne se parle plus" détient la perle du gag involontaire), mais dans l'ensemble ils sont gérés. Le film en lui-même est équilibré au niveau du dramatique et de l'humoristique, et ça ça fait plaisir.
En parlant des deux extrêmes du MCU, il y a quelques années, à l'époque où Les Gardiens de la Galaxie ont suivi Winter Soldier, je n'en revenais pas de me dire que ces deux films se situaient dans le même univers, et je fantasmais déjà sur ce que j'ai vu dans Infinity War : Bucky et Rocket tirant à tout-va côte à côte.

Il y a du fan-service, mais rien de bien méchant : le rapprochement entre le look de Cap et Thor remarqué, Rocket voulant le bras de Bucky... Mais on a pas eu de référence à Sherlock entre Stark et Strange, dommage.

Il faut par contre se rendre à l'évidence : tuer la moitié du casting alors que certains ont encore des films d'annoncés n'est pas forcément le meilleur moyen d'impliquer le spectateur ; on sait que ces morts sont au moins pour la plupart provisoires. Ça enlève beaucoup de gravité au film.

Un petit mot sur la B.O., qui est franchement cool, mais laisse encore cette déception de ne pas retrouver un mix-up des thèmes marquants du MCU, si ce n'est ceux d'Avengers et de Black Panther.

Au passage, on notera au détour d'un dialogue que les "8 ans plus tard" de l'intro de Spider-Man : Homecoming semblent avoir été retcon, et c'est heureux.

Et pour conclure, je dirais qu'Infinity War, comme certains Marvel précédents de la Phase 3, a une patte bien à lui, une touche de poésie qui lui donne une personnalité, avec des trucs tout cons comme sa typographie classe et sobre, son explosion de couleurs sombres... là où les deux précédents Avengers sentaient vraiment les États-Unis à plein nez (surtout le premier dont je n'ai jamais compris l'incroyable succès).
De plus, il apporte cette grandeur qui manquait aux deux précédents Avengers en connectant réellement cet univers au lieu de simplement le contracter : l'absence totale d'Asgard, surtout dans le premier Avengers, m'a toujours laissé très déçu.
Ah, par contre j'aurais bien aimé que Thor garde son look adopté dans Ragnarok, notamment le cache-œil, ça faisait plus badass et iconique, et c'était l'un des seuls bons apports de ce film.

Les frères Russo ont vraiment apporté quelque-chose à cet univers, et je suis heureux qu'ils aient balayé "l'héritage" poussiéreux de Joss Whedon.