C'est nous qui la semons, la graine fellaga.
Avoir 20 ans dans les Aurès, c’est un film qui retourne sur plein de plans les films de guerre. La guerre ici n’est pas épique et grandiose, elle est terne, répétitive, et très ennuyante. Les journées de ces soldats sont longues, ponctuées par des accès de violence dans un environnement qui l’a banalisée. La caméra suit cette monotonie du film : on voit les personnages évoluer dans des plans larges et fixes assez longs. Les choses sont montrées telles qu’elles sont, pour ce qu’elles sont.
Dans ce film, pas de héros épique, pas de guerrier courageux ou de fin stratège. Ce sont des soldats réfractaires qui veulent rentrer chez eux, car ils voient l’inutilité de leurs actions, et se perdent dans ce quotidien où ils se demandent bien comment (si ?) ils pourront tourner cette page pour redevenir civils.
Les musiques de la BO sont une très grande force du films. Le parti pris de faire des paroles simples et crues représentant bien le langage militaire fonctionne parfaitement. Elles accompagnent le récit et nous disent toute la frustration de devoir passer sa vingtaine à mener une bataille qui n’est pas la nôtre.
Au-delà d’être une dénonciation de la violence des colonies (à travers le traitement réservé aux fellagas), soulignée par un carton qui indique que chaque scène du film retranscrit des témoignages réels, ce film est profondément antimilitariste. Quelques années seulement après la fin de la guerre d’Algérie, ce film prend un grand recul sur la situation et en montre l’absurdité profonde, qui mène pourtant à une violence et une déshumanisation inouïe envers les « fellaga ». La dernière scène, suivie du dernier carton, cristallise pour de bon l’absurdité et la violence d’un système militaire qui écrase de toute sa force les vies du camp ennemi, certes, et les vies des jeunes soldats qui perdent leurs 20 ans dans les Aurès.