Où j'ai découvert Noomi Rapace,
suspense suédois anxiogène suspendu aux erratiques errances d'une mère déboussolée en détresse,
Babycall reste longtemps une très agréable découverte, une perle inattendue venue du froid, avant de s'écrouler soudainement de ses propres fragilités au dernier acte d'une conclusion – au mieux manquée – qui vient contredire une partie des pistes soi-disant objectives du film. Vidant en un instant tout le relief longuement inspiré aux détours fantastiques et troublants de la narration.
Entre éléments fantastiques et caractère paranoïaque contenu dans une réalité tangible, le récit tient longtemps le spectateur en alerte autour des angoisses d'Anna, le maintient comme elle prisonnière d'un étroit huis-clos duquel elle ne sait s'extirper.
La mise en scène saisit avec un tact froid la solitude à l'œuvre dans la détresse qui ronge chaque instant de l'existence de cette jeune femme,
la compassion fonctionne dans l'élan lent du suspense qui se développe par touches précises, appuyées, et le spectateur se laisse allègrement emporter le palpitant. L'ensemble du film semble longtemps d'une maestria sans faille qui vient nous promener d'alléchantes promesses. Malheureusement, quand le final nous révèle combien tout ce que nous venons de voir n'existe que dans la tête de notre héroïne, et là où Fight Club, The Sixth Sense ou encore Usual Suspects se regardent avec fascination de nombreuses fois tant la préparation du final est minutieuse, Babycall se prend sans gêne les pieds dedans et s'effondre,
fragile château de cartes volatiles, sous l'accumulation de manipulations trop grosses
pour maintenir à l'ensemble ne serait-ce qu'un semblant de cohérence. Que tout soit dans son esprit soit, mais que l'assistant social qui vient régulièrement s'occuper d'elle et de son fils finisse concierge poignardé dans le couloir du hlm ne passe pas vraiment, et ce n'est là qu'un des arbres à l'orée de la forêt des erreurs qui mènent à la déception.
On s'y contente alors de savourer la prestation toute en morosité désespérée de Noomi Rapace, frêle mère debout face à sa propre adversité, debout tant qu'elle peut. L'actrice désincarne à merveille cette femme ravagée l'angoisse et la paranoïa, l'étouffant de cette
fragile légèreté tangible de l'effacement à l'existence,
et compose un rôle mémorable dans cet opus de peu. Sauve d'une élégante performance la déception narrative à travers un personnage complexe, vibrant de résonances familières, et hanté de ce qui nous habite.
J'avais un souvenir fort de Babycall, vu en salle quelques semaines après sa sortie, le souvenir d'un film claustrophobe appuyé, d'un drame savamment développé, d'un objet oppressant. Aujourd'hui je réalise combien la prestation de Noomi Rapace y est assurément pour quelque chose : encore une fois c'est elle qui m'entraîne dans les douloureux méandres de ce personnage à la dérive. Un temps. Malheureusement le scénario lui ne passe pas l'épreuve d'une seconde vision, où se révèlent les ficelles de la manipulation fantastico-chimérique qui tombe à plat,
soufflé froid de sursauts insignifiants sous le souffle frais de l'actrice.