Babylon, par quel côté commencer ?

Déjà, j’aimerais au travers cette critique, passer outre tout ce que l’on peut voir notamment dans la première partie du film. Parce que le coeur du film, son sujet n’est pas ici.

En premier lieu, revenons sur une des qualités premières de ce film : sa réalisation et sa gestion du rythme. Parce qu’au-delà de nous montrer des scènes folles, Damien Chazelle le fait avec maestro. Il ne cherche pas à couper quand il ne le faut pas, et si la fluidité de sa réalisation s’arrête nette sur un champ contre champ, c’est justement souligner la tension ou la raideur qui peut alors régner dans la scène. De plus, les couleurs jouent aussi un rôle.

SPOILER, comme quand Manny doit virer Dame Fay Zhu et que le dialogue se tient dans une ambiance bleutée et très froide, ambiance que l’on peut retrouver à la fin du film.

Le rythme quant à lui est maîtrisé, haletant au début pour souligner l’ascension des personnages, et plus calme quand la vie de certains commencent elle aussi à se calmer.

J’aimerais également revenir sur un point qui me paraît central : la musique, et l’amour du jazz que l’on ressent tout au long de ce film. Et pour cela, premier point très formel : la BO est incroyable et d’une qualité rare. Mais plus que cela, la musique est presque un personnage du film, parfois même filmée en tant que tel, avec ces plans plongeants sur la trompette de Sidney Palmer entre autre. Elle est toujours mise en parallèle du film, parfois simplement par sa présence, mais souvent littéralement : la présence des orchestres de jazz dans les fêtes, celle des orchestres tout court sur les lieux de tournage. Ce que cherche Damien Chazelle à nous confirmer ici est je pense la proximité entre musique et cinéma. On le dit souvent, le cinéma est une musique, on parle de rythme, de composition, le vocabulaire musical et cinématographique est proche. Visuellement, Chazelle œuvre pour nous faire comprendre cela.

Mais plus que tout, le réalisateur cherche à nous montrer tout au long du film, son amour du cinéma. Et comment le fait il ? En nous le montrant comme un rêve, après lequel courent Nelly LaRoy et Manny au début du film, et comme un rêve qui peut devenir réalité, voire comme un véritable miracle. Miracle qui prend forme à chaque prise réussie, moments qui sont alors presque vécus comme tels pour les personnages, et célébrant ce miracle dans de purs moments d’allégresse. Mais miracle qui peut intervenir au cours d’une prise.

SPOILER Et là, on pense à ce moment fou, où Jack Conrad, qui au crépuscule alors qu’il est ivre mort et que l’on vient de débusquer une caméra à l’autre bout de la ville, réussit sa scène et où un papillon vient, pur produit du hasard, se poser sur son épaule, pour réussir un plan incroyable.

L’art, le cinéma est un miracle, et il est montré et célébré en tant que tel dans ce film. De plus, le cinéma est presque magique, le cinéma, et c’est aussi mon opinion rend immortel.

SPOILER Et comme l’exprime si bien la journaliste et critique de cinéma Elinor St. John dans Babylon, peu importe si la carrière d’un acteur est finie, son œuvre, ses personnages vivront à jamais sur les pellicules.

Et c’est là la plus grande magie du cinéma : il rend immortel. Puisque, comme il nous le dit au travers de ses personnages, les acteurs, les réalisateurs et même les critiques de cinéma sont provisoires, ce qu'il reste, ce sont les films, les personnages, qui survivent à ces mêmes acteurs. Toutefois, Chazel ne célèbre pas seulement le cinéma, il nous en montre ses côtés sombres, avec cette industrie qui broie les êtres humains, tous réduits à l’obsolescence programmée, avec le cas Jack Conrad, à renier ses propres principes.

SPOILER quand Sid est obligé de se grimer avec du charbon, ou plus simplement avec la descente aux enfers de Nellie LaRoy.

Cet amour n’est donc pas inconditionnel, le réalisateur se refusant à toute naïveté concernant cela.


Mais plus que tout cela, et c’est là où Babylon trouve sa principale force, c’est qu’il s’agit d’un film méta. Un film qui, dans ses dialogues parle avant tout aux spectateurs. En effet, Jack Conrad évoque toujours cet art comme étant un art majeur, ce qui était loin de faire l’unanimité à l’époque. Il parle aussi du fait que pour les spectateurs, le cinéma veut dire quelque chose, que le cinéma remplit nos vies. C’est presque également que dans ces termes que Manny et Nellie en parlent au début du film, eux, alors solitaires n’ont que le cinéma pour remplir leurs vies. Parce que pour nous tous, qui aimons le cinéma, peu importe sa forme, rien n’est plus vrai : le cinéma signifie toujours quelque chose, il nous fait sentir moins seul et revêt une importance certaine. Il est un art central, il est presque vital. Et c’est ce que Chazelle cherche à nous faire comprendre tout au long de ce film et je pense même qu’il s’agit du thème central de Babylon.

Mais plus que les réalisateurs, plus que les acteurs, la conclusion du film remet le spectateur au centre de tout.

SPOILER Quand Manny revient à LA en 1952 et qu’il assiste à une séance de cinéma, la caméra se met à filmer l’audience. Et je pense qu’ici, le réalisateur veut redonner le pouvoir aux spectateurs. Pour lui, c’est nous qui le détenons, nous faisons vivre le cinéma, nous choisissons quels films doivent être célébrés et pourquoi, nous faisons et défaisons les idoles.

SPOILER C’est nous qui avons fait tous les films que Chazelle nous montre à la toute fin du film, ce qu’ils sont : des chefs d’oeuvres, des films cultes. Tous ces films, d’ailleurs, ne sont pas uniquement des films, osons le terme, d’intellectuel, outre des extraits de 2001, on retrouve des vues de Roger Rabbit, Matrix ou encore Avatar. Parce que le cinéma est divers, à notre image et il doit toujours le rester.

ZRXAM
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le 26 janv. 2023

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