Il n'aura pas fallu attendre longtemps en 2023 avant, sans doute, de lire toute la division du triste marigot critique s'agissant d'un film archi anticipé.
Il n'y aura qu'à attendre les premiers retours concernant Babylon.
C'est que l'on trouvera bien sûr que Damien Chazelle aura eu les yeux plus gros que le ventre. Ça, ce sera pour lui reprocher d'avoir de l'ambition.
On vous dira aussi sans coup férir que sur ce coup là, il s'est éparpillé, se vautre dans le grotesque, ou qu'on ne comprend pas trop toutes les intentions de son gloubi boulga.
Mais s'il faut avouer qu'avec plus de trois heures de projection, certaines sous-intrigues auraient dû nécessairement rester sur le sol de la table de montage, il faut aussi se rendre à l'évidence : Damien Chazelle livre en effet, en 2023, un nouveau magnum opus. Sans cependant dépasser ses précédents.
Même si Hollywood, vu à travers sa caméra via le prisme de la transition entre le muet et le parlant, n'aura jamais été aussi démesuré, déjanté, dépravé et atteint de gigantisme incontrôlable. Ainsi, le premier tiers du film renoue avec l'énergie sauvage et sans limite de Whiplash, que Chazelle aurait infusé dans la folie démiurge et virevoltante des nuits du Moulin Rouge telles qu'envisagées par Baz Luhrmann.
Et ne cesse de faire du pied aux frères Coen de Ave Cesar ! dans son aspect comédie le plus drolatique dès lors que la visite des studios s'empare du cadre.
Sauf que Babylon, d'abord extrêmement euphorisant, va mélanger les genres et les musiques avec une frénésie communicative et pousser ses enjeux. Pour livrer un envers du décor des années 20 et 30 tout à tour vénéneux, hypocrite, dramatique. Le sourire s'efface peu à peu pour mettre en scène la chute de ses personnages principaux, qui n'ont fait que nourrir la bête comme tant d'autres avant eux qui se sont brûlés les ailes sous les projecteurs.
Starlettes aussi éphémères qu'incandescentes et libres, petits producteurs / réalisateurs qui montent laborieusement la hiérarchie du spectacle, ou encore légendes du septième art sur le déclin, Chazelle les embrasse, les caresse, les aime de tout son cœur, même si l'environnement hollywoodien ne peut que les flétrir et les abîmer. Ces différentes figures nourrissent une véritable fresque pensée comme un festival d'émotions exacerbées, une symphonie de surexcitation grisante.
Si Babylon est une lettre d'amour écrite au cinéma, elle est aussi lucide, en ne cachant presque aucun excès, en confrontant la fascination à la répulsion, on ne sombrant jamais dans une nostalgie béate idéalisant le milieu. Chazelle y réaffirme avant tout l'amour que provoque, depuis plus de cent ans maintenant, la projection d'images animées sur un grand écran. Le réalisateur y reprend ce qu'il avait déjà porté avec le final de son La La Land : une explosion d'émotions suscitée par la magie du moment, de la douce suspension du temps que l'on éprouve face au rêve, que l'on voudrait éternelle.
Soit la définition de la magie du cinéma.
Behind_the_Mask, totalement hallu-ciné.