La première fois que j’ai vu la bande annonce du film au cinéma, j’ai été tellement captivée dès les premières secondes que j’ai détourné le regard de l’écran pour préserver le plaisir de découvrir Babylon vierge de toute information.
Je suis de près la carrière de Margot Robbie depuis I, Tonya, qui m’a laissé un souvenir indélébile. Et j’avais hâte de la revoir dans un grand rôle, surtout après la déception qu’avait été pour moi Once upon a time in Hollywood, où la pauvre avait à peine cinq lignes de dialogue. La critique a d’ailleurs beaucoup comparé les deux films, qui se partagent aussi Brad Pitt en tête d’affiche. L’une comme l’autre sont excellent·es. L’ensemble du casting livre d’ailleurs de très bonnes performances (Li Jun Li et Spike Jonze se distinguent particulièrement), à l’exception, peut-être, de Tobey Maguire en léger sur-jeu. À vrai dire, les qualités du film sont innombrables : une photographie époustouflante, une musique entêtante, un montage trépidant, les costumes, les décors… et surtout l’écriture. Le mouvement de l’histoire est absolument captivant : dans une alternance parfaite de moments de frénésie qui touchent parfois à l’hystérie et de passages tantôt durs, tantôt mélancoliques, on se passionne pour la découverte d’Hollywood au temps du muet ; on s’investit dans l’ascension progressive, chaotique, de Manuel et Nelly ; on se crispe quand la chute de tout cet univers trash et magique se profile ; on est boulversé·e quand elle advient, implacable.
Si tout cela fonctionne aussi bien, c’est aussi surement parce que, malgré l’ampleur de la fresque et la multitude de personnages croisés, on comprend et on s’attache à chacun d’elleux. J’ai été particulièrement touchée par la qualité du développement des personnages de femmes. Elles sont sures d’elles, sures de leur désir, en pleine possession de leur corps ou luttant pour se le réaproprier, en position de pouvoir souvent, pleines de sensualité pour plusieurs d’entre elles, mais jamais sexualisées à outrance. Quel plaisir de voir une journaliste âgée assez puissante pour faire la pluie et le beau temps à Hollywood. Quel plaisir aussi de découvrir un personnage lesbien, et asiatique, susciter l’admiration de toute personne qui croise son chemin, et de voir les autres femmes se pâmer dès qu’elle s’approche d’elles (de la voir aussi calme, raisonnable, la tête sur les épaules, quand tout le monde cède à la panique). Le plus jouissif restera pour moi les scènes mémorables entre Nelly et sa réalisatrice : les homme sont relégués au rang de figurants et d'assistants. Les deux femmes sont prises ensemble d’une fièvre créative. Profondément talentueuses et célébrées pour cela, elle mettent toute leur énergie au service de leur art.
Finalement, j’ai dû aller voir Babylon deux fois au cinéma, et j’y retournerai surement une troisième tant il y a de choses à voir. Certes, il y a quelques bémols et la séquence finale peut laisser dubitatif·ive. Reste quand même, en sortant de la séance, une sensation d’étourdissement délicieuse.