Dans les années 1920, Manny Torres (Diego Calva) réussit par miracle à entrer sur les terres bénies d'Hollywood où il espère côtoyer la gloire et trouver le bonheur. Son ascension se fait en parallèle de celle la jeune Nellie LaRoy (Margot Robbie, toujours aussi flamboyante), chacun sur leur voie, lui dans l'ombre, elle dans la lumière. Mais l'arrivée du cinéma parlant va bouleverser tout ce monde trop décadent pour voir se profiler le tsunami qui arrive...


Difficile d'exprimer une idée claire quand on sort de ce tourbillon de trois heures. Indéniablement, je peux affirmer que j'ai aimé ce film. Mais un doute m'envahit... Ne serait-on pas face à un remake pas très assumé ? N'ai-je pas déjà vu tout ça ailleurs, et peut-être bien en mieux ? Damien Chazelle ne s'est-il pas contenté de prendre Chantons sous la pluie, La La Land, et ne s'est-il pas simplement dit "mixons les deux" ? C'est très beau, c'est très bien foutu, c'est même brillant si on veut, mais j'ai déjà l'impression d'avoir vu ça. En fait, j'ai l'impression que chaque scène ou presque vient d'un autre film. Et le fait est que Babylon a un certain mal à trouver son identité, coincé au milieu de toutes ses références étouffantes.

En plus, donc, de repomper un peu honteusement son final sur La La Land, Babylon souffre surtout d'un grand manque d'émotion. C'est puissant, c'est titanesque, c'est fascinant, c'est impressionnant, c'est repoussant, mais ça n'est jamais émouvant. Jamais, jamais. Et c'est dommage parce que ça s'y prêtait, mais Chazelle tombe dans le piège facile de repousser l'émotion en se concentrant trop sur les excès. Oui, c'est sûrement très amusant de filmer tout ça ; oui, on s'en prend plein la gueule (trop, d'ailleurs), mais quand il essaye de rentrer dans l'âme de ses personnages, c'est trop tard.

Enfin, je trouve que pour un film qui se veut un hommage au cinéma, il ne fait quand même pas beaucoup rêver. La plus belle scène du film arrive très tôt dans le récit (le parallèle entre les deux prestations des acteurs avec la larme et le papillon, cette scène vaut 10/10 à elle seule !), et le réalisateur n'arrive jamais à en retrouver la magie. Le final du film est plutôt joli, mais outre qu'il résonne trop avec La La Land, je trouve que son montage haché et son côté abstrait ne restituent pas la beauté et la force de l'hommage qui se situe pourtant bel et bien derrière ces images. On dirait presque plus un de ces innombrables clips YouTube (dont certains sont plus beaux et plus puissants) qui enchaînent les images de légende qu'un vrai final, digne du film dantesque qui précède.


Et pourtant, dantesque, Babylon l'est bien, et à aucun moment du film, il n'y a tromperie sur la marchandise. C'est très trash, souvent gratuitement, et en même temps, ça dépeint correctement l'époque (mais a-t-elle besoin d'être dépeinte ?), même si j'ai tendance à trouver que Chazelle aurait pu avoir la main plus légère sur les scènes d'orgie, qui vont tellement loin dans le "too much" que ça annihile une grande partie de la portée du film. C'est voulu, mais c'est dommage.

La mise en scène du réalisateur n'en est pas moins prodigieuse à souhait. Chaque plan est d'une beauté inconcevable (ou d'une laideur fascinante), les éclairages, les costumes et les décors créent quelque chose qui, cette fois, rend un vibrant hommage à la puissance de tout l'héritage du cinéma. Là, dans ces images, se niche la vraie beauté du film, et je ne peux que regretter que le réalisateur ne lui laisse pas davantage de place.

Du côté des acteurs, ils s'en donnent à cœur joie, et Calva, Pitt et Robbie irradient chacun à égalité des pans entiers de ce film surpuissant. Chaque prestation est impeccable, et donne au film un souffle assez particulier.

Avec ça, l'écriture est plutôt rigoureuse, et le rythme extrêmement soutenu, de telle sorte qu'on ne s'ennuie pas un instant de ces 3 heures. Et je ne peux pas ne pas mentionner la fabuleuse musique de Justin Hurwitz qui nous pond une nouvelle partition aussi marquante que La La Land. A ce niveau, je n'ai rien à redire.


Donc oui, Babylon est un film ultra-puissant. Mais justement, il l'est trop pour son propre bien. Et si j'ai évidemment beaucoup aimé ce film, cette recherche permanente de la surenchère m'a empêché de goûter à sa juste valeur l'hommage au cinéma que je voulais y trouver, même si plusieurs scènes sont de véritables trésors.

Mais dans le match "The Fabelmans vs Babylon", il me faut bien me rendre à l'évidence et à ma grande surprise, je ne peux qu'annoncer avec joie que Spielberg est le grand gagnant, car il y met en images cette si belle maxime d'Edward Dmytryk que Damien Chazelle se fait fort d'oublier : "En art, l'évidence est un péché".

Tonto
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le 18 janv. 2023

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