J'ai vu Whiplash en trainant les pieds, car le sujet aurait difficilement pu moins m'intéresser. J'en suis ressorti effaré, conquis et transporté, et prêt à voir absolument n'importe quoi d'autre de ce réalisateur. C'est donc sans me poser de question, en lire quoi que ce soit ni en voir le moindre teaser que j'ai abordé Babylon, et bon dieu, quelle claque.
La première demi-heure est un concentré de chaos et de bordel dans des proportions bibliques telles que je n'en avais jamais vu à l'écran. C'est une mise en image fascinante, séduisante et répugnante de tous les excès des débuts de Hollywood, avec une mise en scène décoiffante et une direction photo à l'avenant, pour sublimer ce délire orgiaque saupoudré de cocaïne, de paillettes et de merde d'éléphant.
Le film enchaîne sans transition sur une nouvelle séquence de chaos absolu et à ce stade, je me suis bien calé dans mon siège, car je pensais qu'on était parti pour quelque chose d'un peu épuisant, s'il avait gardé ce rythme pendant 3h. Contrairement à ce que la campagne marketing du film a voulu vous faire croire, ce n'est pas le cas. Babylon alterne par la suite entre scènes frénétiques et des moments beaucoup plus intimes et posés.
Margot Robbie et Brad Pitt y livrent tous deux les meilleures performances de leurs carrières. Je n'avais encore jamais été spécialement impressionné par Margot, mais elle n'a désormais plus rien à me prouver. Brad Pitt avait mis la barre très haut dans un paquet d'autres films, mais je l'ai trouvé particulièrement drôle, tragique et touchant dans celui-ci.
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Derrière la nostalgie et le prisme chamarré de ses beaux atours, Babylon est le récit de la mort d'un cinéma. Il relate la transition douloureuse du cinéma muet au parlant, qui ne s'est faite ni en un jour, ni sans douleur. C'est donc un film long et ambitieux qui s'étale sur un peu plus de cinq ans et raconte cette transformation par une multiplicité de points de vue : acteurs, producteurs, écrivains, musiciens. Tout le monde en paye les pots cassés et aucun personnage n'en sort indemne.
Et c'est fantastique. Je serais très étonné s'il ne reste pas mon film de 2023, car il m'a fait passer par toutes sortes d'émotions, contrastées et tumultueuses : excitation, tristesse, euphorie, mélancolie. Damien Chazelle prouve une fois de plus qu'il filme la musique à perfection, mais aussi qu'aucun autre style ne lui résiste.
Je m'étais aussi rarement autant marré que depuis The Wolf of Walstreet avec lequel il partage pas mal de points communs dans la représentation débridée d'une période décadente, la montée vertigineuse et la chute de personnages haut en couleur. Ce sont toutefois deux œuvres très différentes, car le film de Scorsese penchait davantage vers la comédie, tandis que celui de Chazelle a plus d'affinités pour le drame.