En voulant retracer en trois heures, l'histoire du cinéma du muet aux débuts du parlant, le réalisateur met en scène des personnages fictifs dans une fresque se voulant un hommage au septième art. Sur le fond, l'on sent l'amour cinéphile de Damien Chazelle (qui connaît indéniablement l'histoire du cinéma) et nous pouvons saluer sa volonté de le partager, cependant, c'est sur la forme que le long métrage pèche.
Le film aurait pu durer une demie heure, voire une heure en moins! Or, Chazelle a préféré étendre en longueur certaines séquences (la fête au début du film, par exemple) ou encore en remplissant les pages de son scénario avec certains gags visuels d'une vulgarité et franchement pas toujours drôles, à base de défécation d'éléphant ou de jet de vomi, mais aussi en y plaçant une sous intrigue se produisant vers la fin, sans grand intérêt puisqu'elle arrive là comme un cheveux sur la soupe (le réalisateur-scénariste n'avait-il pas le temps de développer cela, si vraiment il y tenait tant?)
La mise en scène est elle aussi assez chaotique: la caméra est prise d'une frénésie qui se voudrait tellement stylisée, qu'elle en devient plutôt bordélique. C'est, au contraire, dans les moments où la caméra se repose, que l'on peut enfin apprécier le style donnant à voir quelques plans réussis. Les dialogues ne sont pas d'un grand intérêt non plus et sont accentué, la plupart du temps, par des insultes typiques du cinéma américain, ce qui renforce le côté hystérique (et pénible!) de certains personnages qui, eux, ne sont cependant pas sans intérêt et campés par des acteurs qui font leur travail et s'en sortent bien.
La mise en scène plus le scénario, dont je parlais tout à l'heure, ont surtout le défaut d'être quelque peu prévisibles, malgré leurs quelques bonnes idées (hélas pas assez exploitées). L'on a donc de ça de là, des cadrages tout justes intéressants gâchés par le côté voyeuriste. Car, un autre point négatif de ce très long-métrage est que Chazelle nous montre tout, la moindre nudité, le moindre acte sexuel lors de la fête, la moindre défécation ou vomissement, la moindre goutte de sang. Certains y verraient là de la flamboyance, du savoir-faire esthétique (et peut-être une dénonciation de la volonté de spectaculaire qu'est devenue l'industrie cinématographique), j'y vois souvent de l'excessivité gratuite. Ainsi, il semble oublier le pouvoir du cinéma à nous suggérer, à nous laisser imaginer, à nous faire deviner, effaçant donc l'effet de surprise.
Pour finir, j'évoquerai le travail du compositeur Justin Hurwitz qui livre ici une musique curieuse, dans le sens où, celle-ci est tantôt agaçante quand il s'agit de mixer un son jazzy à un style plus moderne, tantôt réussie quand elle propose un quasi-retour aux sources du jazz.
Néanmoins, il faut reconnaître que je m'attendais à pire et le film n'est pas totalement raté.
Bien que le réalisateur réussisse plus quand il va sur le terrain du genre dramatique, avec l'étude des problèmes sociétaux de l'époque du cinéma muet et encore actuels (la difficile ascension de la starlette Nellie LaRoy, jouée par Margot Robbie, ainsi que la condition des Noirs avec notamment la séquence d'humiliation subie par le musicien Noir, Sidney Palmer, interprété par Jovan Adepo ou même la déchéance d'une star vieillissante, incarnée à juste titre par Brad Pitt... tous ces moments sont touchants) quelques séquences de comédie restent divertissantes et dignes d'intérêt (je pense à la séquence du tournage de la bataille, où l'on aperçoit comme un éclair de génie de la part de Chazelle, voire aussi la séquence des répétitions pour le tournage d'un film parlant). C'est dans ces moments-là, comme dans les trouvailles indiquant le passage du muet au cinéma parlant, où l'on assiste à des silences dans la bande son, que l'on peut constater que Babylon aurait pu être, certes un bien meilleur film (un bon film oserais-je dire) mais il aurait pu aussi manquer de tout intérêt et être réalisé par un cinéaste n'ayant aucune passion pour le cinéma.