Babylon, le dernier film de Damien Chazelle, est un véritable hommage au cinéma du muet et au cinéma parlant ... et assurément, c'est un grand film !
On suit plusieurs personnages, c'est un véritable film choral. Nous avons celui par qui nous découvrons ce monde et auquel on s'identifie tout de suite Manny Tores (Diegao Calva), l'acteur en vogue Jack Ronrad (Brad Pitt), la future star en devenir Nellie Laroy (Margot Robbie) et le musicien de Jazz Sidney Palmer (Jovan Adepo). Damien Chazelle nous permet de voir à travers les yeux de Manny Torres, plongé dans une salle obscure et au bord des larmes, comment il se remémore le passé. Nous sommes dans une époque charnière, les années 30, lors du passage du muet au parlant. Dans Babylon, on assiste à des soirées d'orgie et de folie. Dans Babylon, on passe de la lumière à l'oublie. C'est clairement un film qui divise, un film qui provoque à la fois le rejet et l'adhésion, un film à voir ... et à coup sûr, c'est du grand cinéma.
De la première à la dernière minute du film, on sent un immense amour du cinéma. C'est à la fois un hommage au cinéma du passé (celui des débuts) et une vision optimiste de ce que va devenir le cinéma dans les années à venir, mais du cinéma confronté à la réalité. Le personnage interprété par Brad Pitt, Jack Conrad, illustre parfaitement ce constat. On le voit passer de la star intouchable, à l'acteur ringard et en fin de course. Dixit la critique de cinéma qui dans le film écrit des ragots sur les stars : "Il y aura plein d'autre Jack Conrad".
On voit les débuts chaotiques du cinéma parlant et amateur. Pour Margot Robbie, ça consiste à recommencer un nombre incalculable de fois une scène (une scène extrêmement physique), à cause des nouvelles contraintes techniques du parlant. On souffre avec elle, devant le jeu inadéquat de son personnage (l'actrice Nellie Laroy) et de sa voix de canard. Cette période d'une grande richesse d'un point de vue créatif, est un mouvement qui revient en continu et à la fin, Damien Chazelle nous offre ce montage des plus grands moments du cinéma, avec des extrait de Terminator 2, Jurassique Park puis Avatar qui ont introduit les images de synthèse et qui ont profondément modifié le cinéma, comme le parlant à son époque. C'est une magnifique lettre d'amour au cinéma, qui redonne le sourire, avec ce petit sentiment délicieux de nostalgie/mélancolie ... Dixit Geisel : "Ne pleure pas parce que c’est fini, souris parce que c’est arrivé".
Qu’il s’agisse de scènes d'orgies, de la présentation de divers fluides corporels, des fils de l’intrigue ou de la durée du film, Damien Chazelle est totalement libre de ses choix. La La Land et Whiplash sont parmi mes films préférés de ces dix dernières années et je suis un grand fan de son style de mise en scène. De ce fait, Babylon brille de mille feux de par sa mise en scène, couplée à une BO magistrale. C'est évident que toute la mise en scène a été pensée avec la musique en tête, à l'image de toute sa filmographie. Chez Damien Chazelle, l'image et le son sont indissociables. Et puis, Brad Pitt vieux, c'est décidément une valeur sûre.
La séquence d’ouverture est un spectacle à lui tout seul et ça s'enchaine sans temps mort pendant les deux premières heures. La dernière heure perd un peu en intérêt et on se demande : "mais où veut-il en venir ?". Plusieurs fois j'ai cru que le film était terminé, mais une autre scène apparaissait ensuite. L’exécution semble vraiment poussive sur la fin et il y a honnêtement des intrigues entières qui auraient pu être coupées, sans que ça puisse nuire au film. Je pense surtout à toute l'intrigue centrée sur le personnage interprété par Tobey Maguire, le criminel James McKay.
James McKay, c'est un sorte de némésis qui entre en jeu dans le dernier acte du film, un personnage complètement dépravé (le plus dépravé de tous) et effrayant. Sa présence donne le coup d’envoi à la dernière étape de l’intrigue et le fait dans la débauche la plus totale. Le film retourne donc à la débauche à laquelle il s’était livré au début du film. Seulement cette fois, les choses prennent un air beaucoup plus sinistre. On plonge clairement dans l'univers de David Lynch, maître du bizarre et de l'étrange. On a vraiment l'impression d'entrer dans un autre film, un film pas inintéressant mais complètement hors-sujet.
Il aurait fallu donner des limites à Damien Chazelle, quelqu'un qui lui dise non quand il se perd sur la fin. Un meilleur montage, combiné à une certaine retenue et ça aurait été beaucoup plus proche du statut de chef-d’œuvre absolu, chose qu’il visait clairement. En l’état, c'est un grand film ... et c'est déjà pas si mal.