Damien Chazelle nous offre avec Babylon une fresque monumentale. À travers un récit sur la transition chaotique du cinéma muet au parlant, le film explore l’essor et les dérives d’Hollywood, tout en célébrant la grandeur et la décadence du septième art. C’est aussi une exploration magistrale de la fin d’une ère, celle d’un monde à l’agonie, et du début d’un nouvel ordre, porté par des bouleversements aussi prometteurs que cruels.
La mise en scène virtuose de Chazelle est indéniable : chaque scène est une déferlante d’émotions, oscillant entre burlesque débridé et drame poignant. Qui n’a pas envie de se retrouver dans ces soirées infernales ? Sans exagérer, on rêve d’y être. Les scènes de fêtes, d’une intensité presque hallucinatoire, sont un véritable tour de force. On peut sentir l’odeur de la cigarette, de l’alcool, de la C, qui coule à flots, et de la sueur qui imprègne ces moments de chaos festif. Ces séquences, d’un réalisme immersif, incarnent à la fois l’apogée et la déchéance d’un Hollywood en plein basculement. Margot Robbie livre une performance incandescente, tandis que la musique envoûtante de Justin Hurwitz amplifie chaque instant, transformant l’écran en une véritable explosion sensorielle.
Babylon n’est pas qu’une ode au cinéma, c’est aussi une critique acerbe de ses excès et de sa folie. Chazelle met en lumière les dérives de cette industrie, ses ambitions démesurées et sa propension à broyer les rêves. Mais dans ses moments les plus sombres, Babylon rappelle aussi pourquoi le cinéma reste un art immortel, capable de transcender les époques et de marquer les âmes. Entre la nostalgie d’un âge d’or et l’euphorie des nouvelles perspectives, le film nous rappelle que le progrès a un prix, souvent tragique. La scène entre Brad Pitt et la critique de cinéma, Jean Smart lui expliquant qu’ils (les acteurs) deviendront les fantômes de demain, est magistrale par sa profondeur, sa vérité et sa dimension tragique. Chef d'oeuvre.
Certes, le film est imparfait : il peut paraître trop long, trop chaotique, presque ingérable dans son ambition. Mais c’est précisément cette démesure qui en fait une œuvre unique, un ovni cinématographique. Chazelle ne cherche pas à plaire à tout le monde, mais à frapper fort, à inscrire Babylon dans une tradition de films qui osent tout, au risque de se brûler.
Plus qu’un simple film, Babylon est une expérience viscérale et passionnée, une déclaration d’amour au cinéma dans toute sa splendeur et sa laideur. Les scènes vibrantes, presque palpables, et l’exploration d’une époque de transition menée avec brio font de cette œuvre un monument audacieux. Chazelle rappelle que, malgré ses excès, le cinéma reste un miroir déformant de nos rêves et de nos cauchemars. Pour le meilleur et pour le pire, Babylon est une œuvre que l’on n’oublie pas.