J'ai vu ce film dans un contexte très particulier. En effet, je l'ai vu en avant première au Forum image durant le festival un Etat du monde ... et du cinéma en présence du réalisateur. Et autant dire tour de suite, j'ai beaucoup aimé ce film. Ce n'est pas un bon film dans le sens qu'il divertit mais c'est un film que tous parents devraient voir, même s'il enfonce des portes ouvertes et que ses dernières doivent être rappelées. Et oui, on va parler de Baccalauréat.
Une mise en scène très intelligente
La réalisation est la principale force de ce film. Je trouve que la mise en scène est très intelligente et marquante. En effet, le réalisateur Cristian Mungiu a pris le partit pris de faire en sorte que nous suivons exclusivement le père dans ses pérégrinations. Ce qui fait qu'on a voit le film à travers son personnage, là où d'autres réalisateurs se contenteraient de jongler entre les personnages. Bref, le héro à savoir Roméo le père est le personnage témoin du film. La réalisation est brute et on suit bien la progression temporelle de l'histoire qui se déroule en une semaine. A travers ses yeux, on voit son quotidien pendant que sa fille passe le baccalauréat. Et cela dans un contexte bien particulier (mais on va y venir). Donc rien que pour la mise en scène, ce film a le mérite d'être vu et on suit bien la progression de l'histoire. Par contre au niveau des personnages, c'est plus compliqué.
Personnages aux fils du rasoir
Au niveau des personnages on a Roméo (Adrian Titieni). C'est le père médecin qui veut que sa fille réussisse son bac afin d'avoir une bourse d'étude pour Londres. Problème, elle a été agressée. Du coup, il est obligé d'aller contre ses principes. Bon je ne vais pas critiquer le jeu de l'acteur car vu le contexte très c'est un peu normal qu'il n'y a pas de vie et on sent bien que la famille est sous tension. C'est un personnage intéressant car il est la figure du parent qui veut que ses enfants réussissent, mais qui sont prêts à tout pour ça. La il va plus loin car il utilise sa position. Surtout que dès le départ, on nous pose pas comme un exemple de vertu (il a une maîtresse notamment, elle aussi institutrice). Je trouve que le personnage (et pas que lui) manque cruellement de nuances. Bon vu le contexte c'est logique mais voilà c'est un peu dommage quand même.
Eliza (Maria-Victoria Dragus) est la fille qui s'est fait agressée. Elle semble subir de plein fouet les conséquences de son agression et le traumatisme. Cela dit, là aussi le jeu de l'actrice est sans nuance et c'est dommage aussi. Elle subit la pression et ne semble pas vraiment motivée à quitter la Roumanie.
Magda (Lia Bugnar) est assez anecdotique et désabusée. On apprend à la toute fin que ses relations entre Romeo et elle ne sont plus du tout cordiale et froide depuis un moment (même si on avait deviné bien plus tôt). Elle est au courant des relations extraconjugales de son mari mais voulait épargner sa fille. Elle n'est pas marquante mais sa nonchalance en dit bien plus sur sa personnalité et son état d'esprit
Sandra (Malina Manovici) est la maîtresse dans tous les sens du termes (à la fois institutrice et amante de Romeo). Ils ont une vie amoureuse assez ... étrange. On sent leur complicité mais pas leur passion (il y a bien leur toute première scène mais bon). Surtout, que je n'ai pas l'impression que le personnage sert grandement à l'intrigue principale qui évolue bien sans elle.
Les autres personnages sont plus secondaires mais ont quand même une influence. Avec le vieil homme qui a une dette envers lui, les policiers dont l'inspecteur est un ami de longue date et le petit copain, ils montrent que Romeo a des amis et alliés haut placés et dont il aura la tentation de s'en servir pour la réussite de sa fille et aussi savoir le responsable de son agression. Ce qui n'est pas mal. Toutefois ce qui m'embête, c'est le ton des personnages. Ils sont tous trop austères. Je ne sais pas si tous les films roumains sont comme ça mais je trouve à la fois gênant mais qui font sens vu la situation.
Pour elle ou pour lui ?
De son histoire, ce film montre le combat en coulisse d'un père qui veut que sa fille est une meilleur vie qu'en Roumanie. C'est d'ailleurs un portrait très critique envers la Roumanie que réalisateur nous livre, résumé par les actions de Roméo. Il veut qu'elle ait la chance que lui ou sa mère n'a pas eu. Et c'est une histoire forte et intéressante à tous les niveaux parce que cela montre les limites entre ce que les parents veulent pour leurs enfants et jusqu'où sont-ils prêts à aller. Et c'est un débat encore d'actualité et dont la réponse bien qu'évidente n'est jamais simple. La fin du film nous montre très clairement le message
Eliza à la fin a fini par avoir son bac mais sans triché ni utilisé les stratagèmes de son père, car elle a choisi de le faire quelle qu'en soit les conséquences et sans se laisser démonter par son agression. elle s'est montrée plus courageuse quand elle a vu que son père à risquer sa vie et était à de doigt de devenir hors la loi
Cette fin est plutôt bien vue et résume parfaitement le message du film. Bref, au sujet de l'intrigue principale, c'est du tout bon. Par contre pour les intrigues secondaires c'est laborieux.
En effet, au début, on remarque que quelqu'un brise la fenêtre de la maison mais on ne saura jamais qui, on ne connaîtra jamais l'agresseur de Eliza , on ne saura jamais pourquoi le petit ami d'Eliza a menti, ni ce que fera Eliza du bac (Londres ou pas Londres ?)
Mais en même temps, ce ne sont que des intrigues secondaires qui n'ont pas trop d'importances. En revanche, il y a quand même une séquence de tension dont je ne comprends pas l’intérêt et qui avait un potentiel plus grand s'il pouvait aller au bout de son idée. Mais là aussi finalement rien. Et c'est dommage car le film avec les moyens disposés auraient été meilleur. Cela dit, sa trame principale et le message qu'il envoie font mouche et c'est l'essentiel.
Prix de la mise en scène amplement mérité.
Ce film a été vraiment bien récompensé et il est très intéressant et instructif. J'aurais aimé que le film puisse résoudre toutes ses intrigues mais il arrive à aller au bout de ses idées en les poussant jusque comme il faut. Ce n'est pas comme certains films qui balancent bien trop de pistes narratives en ne résolvant que ce qu'ils ne veulent résoudre. Là on sait quel est le thème principal et où le film va nous emmener, même si on devine la fin dès le 3e quart du film. Une vision hautement conseillée
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