Après Oslo 31 août que j'avais également beaucoup apprécié, j'ai voulu découvrir le troisième long-métrage du réalisateur franco-danois-norvégien, sur les conseils de certains de mes éclaireurs.


Le ton m'a bien plu, ainsi que la façon de mener le récit, avec de nombreux flash backs et des ellipses.
Le cinéaste s'intéresse aux différents point de vue des membres de la famille. Il s'agit d'un récit familial choral.


A l'occasion d'une exposition qui va être organisée à New York pour célébrer l'oeuvre de leur mère et femme photographe, un père et ses deux enfants se retrouvent dans la maison familiale.
Des souvenirs du passé resurgissent inévitablement. Des questions se posent.
De quoi est morte trois ans auparavant Isabelle ? Était-ce un accident comme la presse l'a dit et comme on l'a raconté au plus jeune fils, Conrad, ou est-ce un suicide ? Isabelle n’était-elle pas très fatiguée, usée par ses nombreux aller-retours entre la France et les théâtres de guerre où elle faisait des reportages photos ?
Quel rôle jouait auprès d'elle son ami de longue date, Richard, journaliste et photographe, qui a pour intention de sortir un article hommage sur Isabelle dans la presse ?


Le père de famille (interprété par Gabriel Byrne), le fils aîné (Jesse Eisenberg) et le fils cadet (Devin Druid) se retrouvent et tentent de reprendre un dialogue interrompu par la souffrance, la distanciation de leurs vies réciproques et les tabous (comme la cause de la mort d'Isabelle) restés longtemps sous silence mais qu'ils ne peuvent plus ignorer.


On s'aperçoit que chacun a fui et continue à fuir à sa manière.


Le fils aîné qui était très proche de sa mère, son confident, est parti loin de sa ville natale, faire ses études. Il est devenu professeur et vient d'être père. Il fuit aussi sa nouvelle vie, n'assumant pas d'être père auprès de son ex petite amie qu'il rencontre à l’hôpital et n’appelant pas sa copine, mère de sa fille, pendant plusieurs jours, laissant planer un silence radio très pesant pour tous.


Le fils cadet, beaucoup plus jeune lorsque sa mère est décédée, a l'air mal à l'aise dans ses baskets. Il est solitaire, a du mal à communiquer avec les gens de son âge et ment à son père pour le tranquilliser. Il passe sont temps dans le monde virtuel à jouer à des jeux de guerre (pour se rapprocher des théâtres d'opérations que photographiait sa mère ?).


Le père est resté un peu dans les fantômes du passé. Il n'a pas refait sa vie et surveille maladroitement son fils cadet de loin, inquiet pour son devenir.
Le dialogue semble coupé entre les trois membres restants de la famille.


Le retour du fils aîné va faire l'effet d'une catharsis. On va sortir peu à peu des mensonges, des dissimulations, des non-dits qui ont longtemps gâché la vie familiale et les relations...


Le père et le fils vont reparler des circonstances de la mort de la mère, de ses éloignements réguliers pour les besoins de ses photo-reportages, du rapport à son métier et à sa famille, de sa notoriété, et même de son amant. Ils évoquent ce passé heureux souvent et difficile parfois quand Isabelle leur manquait, quand elle était distante à son retour, sa disparition tragique.
Les deux frères vont se rapprocher. L’aîné découvre son cadet comme écrivain en herbe, surpris par son talent prometteur et par son caractère franc et volontaire vis à vis de la fille dont il est amoureux. Finalement qui aurait pu croire que ce soit le plus jeune des deux frères qui défendrait les valeurs les plus fortes et les plus belles : celles de franchise, d'honnêteté et de courage ?


Ainsi, le film montre que derrière les apparences trompeuses, se cache une vérité de l'être humain insoupçonnée.


Tout l'intérêt de la mise en scène est de mêler images du présent et du passé avec une Isabelle Huppert superbe en Isabelle, tour à tour superbe, éclatante, tendre, maternelle, distante, usée, déprimée.


Les souvenirs, y compris ceux d'Isabelle, se confrontent , s'opposent parfois (ne dit on pas que chacun conserve sa part de vérité ?). Parfois, on y trouve pêle-mêle des rêves, car faire resurgir des souvenirs à sa mémoire entraîne des interprétations, des recombinaisons inconscientes durant le sommeil. Ce sont des matériaux extrêmement intéressants pour ce cinéaste de l'intime et de l’introspection qu'est Joachim Trier.


Aussi, la richesse des dialogues qui m'avait déjà agréablement surprise dans Oslo 31 août est, à mon avis, une des grandes richesses de ce film.

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le 26 févr. 2017

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