Un socio-poème ! Ce que j'entends par là : le film porte certes sur la poésie puisque son personnage principal, Anna, est une poétesse qui s'improvise dealeuse de drogue... Mais c'est aussi une exploration de Reykjavik par la voie de la poésie comme par celle de la société, lui faisant dire que son peuple est constitué de « p****ns de blonds aux yeux bleus » (sic) quand elle n'écrit pas.


Dans la vraie vie, Anna est une poétesse qu'on admire outre-mer pour ses lignes d'encre, et sur ses terres pour ses lignes de drogue. Pour ceux qui la connaissent, elle est une intime, ce qui crée une rupture violente entre la réalité et le poème qui n'est pas pour déplaire, surtout quand elle trouve son écho sous la forme des métaphores visuelles (la guitare) ou de la beauté de l'image (les paysages).


On s'ennuie un peu car l'histoire ne va pas vraiment quelque part, et l'on regrettera les personnages qui sont posés rapidement pour être abandonnés après un bout de chemin. On appréciera que le poème et la réalité s'inversent quand Anna est obnubilée par son téléphone, posant la profondeur de son hypocrisie involontaire tout comme l'absence de celle de ses textes. Mais le contraste est finalement assez peu productif, parce que alimenté par à-coups par le propos. On a parfois l'impression que le film fonctionne pour le dit de dire des trucs, et même les choses qu'on y apprécie passent pour des faire-valoirs.


Un cahot majeur est enfin celui du design ; un acteur français, une actrice britannique, une langue anglaise bien présente, une mention de McDonald's et de Sigúr Ros pour faire rire les continentaux, et pouf : on a le parfait film d'exportation, rempli des promesses de s'envoler des côtes norroises pour plaire au monde entier. Je ne blâme pas l'opportunisme, si opportunisme il y a, mais le cas échéant, il transparaît trop.


Skapp Út n'est en fait une réussite que dans le regard qu'il pose, un peu contemplatif, à la frontière entre le matérialisme et l'idéalisme au sujet d'un Homme qui s'ennuie et se distrait de plaisirs simples. Mais les bonnes idées sont trop éparses et trop accentuées pour laisser croire à un franc succès de réalisation.


Quantième Art

EowynCwper
5
Écrit par

Créée

le 15 oct. 2018

Critique lue 171 fois

1 j'aime

Eowyn Cwper

Écrit par

Critique lue 171 fois

1

D'autres avis sur Back Soon

Back Soon
Kaeron
6

Critique de Back Soon par Cédric Le Men

Méconnue du grand public, la jeune réalisatrice islando-américano-française Sólveig Anspach n'en a pas moins une filmographie tout ce qu'il y a de plus correcte, bien que se « limitant » aux salles...

le 4 nov. 2010

2 j'aime

Back Soon
EowynCwper
5

Critique de Back Soon par Eowyn Cwper

Un socio-poème ! Ce que j'entends par là : le film porte certes sur la poésie puisque son personnage principal, Anna, est une poétesse qui s'improvise dealeuse de drogue... Mais c'est aussi une...

le 15 oct. 2018

1 j'aime

Back Soon
Nomei-Pando
6

Décalé, entraînant, profond

Les films de Sólveig Anspach sont toujours empreints d'un décalage drôle et léger, mais aussi de sérénité et d'un goût doux-amer qui semble tenir de l'Islande que de la personnalité de la...

le 18 févr. 2017

1 j'aime

Du même critique

Ne coupez pas !
EowynCwper
10

Du pur génie, un cours de cinéma drôle et magnifique

Quand on m’a contacté pour me proposer de voir le film en avant-première, je suis parti avec de gros préjugés : je ne suis pas un grand fan du cinéma japonais, et encore moins de films d’horreur. En...

le 25 oct. 2018

8 j'aime

La Forêt sombre
EowynCwper
3

Critique de La Forêt sombre par Eowyn Cwper

(Pour un maximum d'éléments de contexte, voyez ma critique du premier tome.) Liu Cixin signe une ouverture qui a du mal à renouer avec son style, ce qui est le premier signe avant-coureur d'une...

le 16 juil. 2018

8 j'aime

1

Mélancolie ouvrière
EowynCwper
3

Le non-échec quand il est marqué du sceau de la télé

Si vous entendez dire qu'il y a Cluzet dans ce téléfilm, c'est vrai, mais attention, fiez-vous plutôt à l'affiche car son rôle n'est pas grand. L'œuvre est aussi modeste que son sujet ; Ledoyen porte...

le 25 août 2018

7 j'aime

3