Un socio-poème ! Ce que j'entends par là : le film porte certes sur la poésie puisque son personnage principal, Anna, est une poétesse qui s'improvise dealeuse de drogue... Mais c'est aussi une exploration de Reykjavik par la voie de la poésie comme par celle de la société, lui faisant dire que son peuple est constitué de « p****ns de blonds aux yeux bleus » (sic) quand elle n'écrit pas.
Dans la vraie vie, Anna est une poétesse qu'on admire outre-mer pour ses lignes d'encre, et sur ses terres pour ses lignes de drogue. Pour ceux qui la connaissent, elle est une intime, ce qui crée une rupture violente entre la réalité et le poème qui n'est pas pour déplaire, surtout quand elle trouve son écho sous la forme des métaphores visuelles (la guitare) ou de la beauté de l'image (les paysages).
On s'ennuie un peu car l'histoire ne va pas vraiment quelque part, et l'on regrettera les personnages qui sont posés rapidement pour être abandonnés après un bout de chemin. On appréciera que le poème et la réalité s'inversent quand Anna est obnubilée par son téléphone, posant la profondeur de son hypocrisie involontaire tout comme l'absence de celle de ses textes. Mais le contraste est finalement assez peu productif, parce que alimenté par à-coups par le propos. On a parfois l'impression que le film fonctionne pour le dit de dire des trucs, et même les choses qu'on y apprécie passent pour des faire-valoirs.
Un cahot majeur est enfin celui du design ; un acteur français, une actrice britannique, une langue anglaise bien présente, une mention de McDonald's et de Sigúr Ros pour faire rire les continentaux, et pouf : on a le parfait film d'exportation, rempli des promesses de s'envoler des côtes norroises pour plaire au monde entier. Je ne blâme pas l'opportunisme, si opportunisme il y a, mais le cas échéant, il transparaît trop.
Skapp Út n'est en fait une réussite que dans le regard qu'il pose, un peu contemplatif, à la frontière entre le matérialisme et l'idéalisme au sujet d'un Homme qui s'ennuie et se distrait de plaisirs simples. Mais les bonnes idées sont trop éparses et trop accentuées pour laisser croire à un franc succès de réalisation.
Quantième Art