Bacurau débute par un texte nous expliquant que nous sommes dans quelques années au Brésil. Là le film s'ouvre sur un décor de zone semi désertique typique du nordeste brésilien, un camion citerne vient approvisionner le petit village de Bacurau. On pense alors voir un "mad max" brésilien, un survival ou post apo.
Ensuite le film vire vers le portrait social d'une communauté, et vers une satire politique. Raisonne alors le cinéma de Ken Loach.
Le film emprunte alors au surnaturel tant à travers l'image, les cadres, les distorsions, les lumières, qu'à travers le son, la musique et les rythmes. Nous sommes loin des sambas et autres bossa nova, c'est brésilien assurément mais nous sommes plus dans le rite vaudou. D'ailleurs tout le film transpire cette culture, et nous pensons assister à un film fantastique.
Bien vite l'on comprend que la communauté qui forme le village de Bacurau, est autonome et ne tient pas à ce que des éléments extérieurs viennent s'immiscer dans ses affaires, alors quand mystérieusement des personnes disparaissent, l'isolation progressive mais inéluctable du village du reste du pays, l'eau du barrage voisin coupée, le réseau de téléphone déconnecté, la route barrée suite à un vague événement à peine mentionné etc. amènent les habitants à soupçonner un plus grand danger. Danger qui se matérialisera pas l'arrivée d'un groupe de "chasseurs" dont les proies sont les habitants de ce village isolé géographiquement et technologiquement.
Cependant Bacurau, qui est en lui-même un personnage du film et que s'il semble se complaire dans une tradition émanant du passé, il n'en demeure pas pour autant hermétique au progrès. Différents axes de narration nous le disent, en particulier, lors de la scène des funérailles qui ouvre quasiment le film. Scène où nous avons d'abord l'opposition entre la défunte, sorte de guérisseuse, sorcière et la médecin, représentante d'une médecine occidentale plus basée sur les connaissances scientifiques, pour très vite nous dire qu'en fait les deux sont complémentaires.
C'est un film dense, prenant plaisir à envoyer son spectateur sur des fausses pistes, chacune plus excitante que la précédente, pour finir par nous amener vers une conclusion nous poussant à réfléchir sur notre volonté à garder ce qui fait nos différences face à un hégémonisme culturel grandissant, et qui nous oblige aussi à regarder le Brésil et pourquoi il s'est engouffré dans la facilité du vote nationaliste.
Des plans absolument somptueux, un univers entre Sam Peckinpah et John Carpenter, une bande originale réellement au service de l'atmosphère et du ressenti du spectateur.
Cependant, je crains que beaucoup soient décontenancés par cette proposition, qui hésite peut-être trop entre film de genre et film d'auteur pour faire l'unanimité.