Bad Boy Bubby est un film australien réalisé par Rolf de Heer en 1993. Il a connu un grand succès en Australie mais la frilosité des distributeurs étrangers l'a empêché de connaître une véritable carrière internationnale. Cela ne l'a pas empêché de se faire passer sous le manteau et d'acquérir le statut de film culte, notamment aux Etats-Unis. Impossible d'écrire sur ce film sans évoquer le véritable défi technique qu'il a représenté. Au début de la production de Bad Boy Bubby, il s'agit du premier film de Rolf de Heer, qui finance la pellicule et son tournage du week-end en travaillant le reste de la semaine. Ce dernier évalue à ce rythme le tournage à environ 3 ans. Il comprend donc vite qu'il devra tourner avec une équipe interchangeable. Mis à part l'incroyable acteur Nicholas Hope présent du début à la fin du tournage, les techniciens seront souvent là ponctuellement. C'est notamment le cas des chefs-opérateurs, 32 se sont succédé en tout, ce qui donne au film un cachet tout particulier. En effet, le manque d'uniformité des séquences entre elles deviennent une force pour le film.
Bubby va vite se retrouver désemparé dans un monde qu'il ne comprend guère. Son premier réflexe est d'opérer un véritable mimétisme avec les personnages qu'il rencontre. Par exemple, à peine sortie du taudis dans lequel il est né, des chauffards l'insultent de péquenaud parce qu'il est au milieu de la route. Il fera de même un peu plus tard avec un agent de circulation, lui aussi au milieu de la route. La mise en scène de Rolf de Heer s'efforce tout au long du film de retranscrire la béatitude de Bubby devant le monde qu'il découvre. A l'image tout d'abord, avec le format Scope et les objectifs anamorphiques, au son également puisqu'une une grande partie de la bande a été enregistrée à l'aide de micros binauraux (placés au niveau des oreilles de l'acteur).
Ses rencontres avec différentes femmes vont peu à peu le détourner de l'écrasante figure maternelle. Mais surtout c'est la découverte de la musique, par le biais d'un groupe de rock local, qui va nous révéler sa sensibilité. Rolf de Heer parvient, au fil des rencontres de Bad Boy Bubby, à donner une humanité à son personnage, ce qui était loin d'être gagné si l'on considère que la première partie du film nous le montre s'adonnant à l'inceste, la torture animale et le meurtre.
C'est ce décalage qui pour moi fait de Bad Boy Bubby un grand film: nous sommes d'une part mis face à des scènes d'une cruauté sans limites, et d'autre part il naît une véritable émotion de découvrir que cet enfant-homme est doué de sentiments. Il devient le moyen parfait pour le réalisateur de critiquer l'ordre établi et notamment la société australienne, que l'on rencontre à travers de nombreux personnages hauts en couleurs.
Le film fait l'objet cette semaine d'une ressortie en salle en version remasterisée et son Dolby 5.1, il fallait au moins ça pour (re)découvrir ce chef-d'oeuvre oublié (enfin pas de tous, puis que Bad Boy Bubby compte Nick Cave et Quentin Tarentino parmi ses plus grands fans).