Bad Company (le film de 1972 !) s'inscrit dans la droite lignée des westerns contestataires d'un certain ordre établi, produits dans les années 70. Briser les conventions en déboulonnant le mythe du grand Ouest et sa vision manichéenne des rapports humains : voilà en quelque sorte l'étendard de ces films, beaucoup moins célèbres (toute proportion gardée) que ceux qui ont fait l'âge d'or du western classique. Un peu dans la même veine que The Culpepper Cattle Co. vu récemment et tout aussi méconnu (on retrouve d'ailleurs Geoffrey Lewis et son regard bleu de psychopathe), il s'agit d'un récit d'apprentissage, à travers les portraits de quelques jeunes désœuvrés, jetés dans la rue et du mauvais côté de la loi.
En 1863, la Guerre de Sécession fait rage depuis quelques années et les troupes de l'Union recrutent de force tous les hommes valides, y compris parmi les plus jeunes. Beaucoup essaient d'y échapper, se cachent, et rivalisent d'imagination pour se déguiser. Protégé par sa famille, le personnage interprété par Barry Brown (encore un oublié du club des 27...) fuit son village natal pour échapper à la conscription, en direction de l'Ouest et d'une situation plus heureuse. Plus ou moins forcé de faire équipe avec une bande de jeunes aussi paumés que lui, le côté enivrant de la vie de hors-la-loi aura tôt fait de s'effacer au profit de la désillusion d'un arrière-pays ravagé par les conséquences de la guerre et les bandits de tous horizons.
Plus qu'une terre d'aventures et d'émancipation, l'Ouest américain se révèlera être le plus grand pourvoyeur d'amertume et de retour sec à la réalité. La misère est telle qu'au début du film, la bande de gamins menée par Jeff Bridges va jusqu'à détrousser les plus pauvres et les plus jeunes qu'eux, ne serait-ce que pour quelques cents dans la poche d'un enfant de cinq ans. Mais ces vols ne sont jamais commis pour le plaisir, l'ombre menaçante de la faim plane toujours sur la jeune équipe et semble être au cœur des préoccupations, bien avant le jeu ou le pur appât du gain. L'amitié qui se développe entre Brown et Bridges, alors respectivement âgés de 21 et 23 ans, est de l'ordre des contraires qui s'attirent et qui se complètent. Le groupe évoluera d'une naïveté presque insouciante vers une brutale prise de conscience, en jouant de manière dynamique entre épisodes amicaux et dramatiques. Une scène concentre ces regards antagoniques : celle dans laquelle ils volent des poules et une tarte, qui commence comme un sketch à la Tex Avery, dans la joie et la bonne humeur, pour se terminer violemment, dans un bain de sang aussi violent que surprenant. Et si la dernière image, symbole figé d'amitié façon Butch Cassidy et le Kid, paraît un peu précipitée et incertaine, on garde bien en tête la dureté de l'époque et l'inéluctable passage vers le banditisme.
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