L’odeur du soufre accompagne Ferrara depuis toujours et c’est en partie en raison de ce film qui est sur ma liste à voir depuis que le monde est monde. C’est déjà le huitième film de son auteur et bien que je ne sois pas un spécialiste, on croit reconnaître des motifs récurrents.
On suit le quotidien d’un sale type. Le gars est lieutenant de police, violent, corrompu, vicelard et généralement soit ivre, soit sous diverses substances psychotropes.
Non, ceci n’est pas un pitch et pas vraiment une intrigue. Et pour cause, le film est un portrait. Le gars est dans l’autodestruction permanente et ne semble avoir ni remord, ni regret. Nous sommes à New York, il est sans surprise catholique … à géométrie variable. C’est probablement important si l’on considère le poids du sentiment de culpabilité qu’a toujours fait peser l’Église sur les fidèles, et leurs héritiers. Ainsi, c’est peut-être la foi qui sauvera notre homme. Mais si le salut est dans le pardon, celui-ci peut-il éteindre la colère de cet homme qui ne vit que dans une fuite en avant ? Et quid des repères ? La ville grouille et on recherche les paradis artificiels à chaque coin de rue en confiant sa vie au dollar et à la providence. Braquer quelqu’un avec son flingue, c’est le violer et la NRA est un gang de violeurs. On remarquera que là où l’Ange de la Vengeance (1981) montrait une nana déguisée en nonne, gun à la main, pratiquer la loi du talion, ici la bonne sœur montre la force du pardon et de la foi. Deux salles, deux ambiances ? Deux interrogations sur le concept de justice. Celle de Dieu ou celle des Hommes ? Celle de la société ne semble pas porter ses fruits. Et dans les dernières images, devant la Trump Tower, un autre repère, l’omniprésence de LA valeur américaine, celle qui conditionne les autres, le dollar. On reconnaîtra que ce n’est pas un film agréable, surtout pour qui n’aime pas les piquouses. La caméra est souvent à l’épaule. On y parle peu mais la radio hurle sans cesse des analyses sportives auxquelles on ne comprend pas grand-chose quand on est profane. Harvey Keitel est saisissant de vérité et occupe à merveille l’ensemble du cadre de sa mine patibulaire et de ses grognements qui parfois prennent le pas sur le compte rendu du match. Et quand il attrape un type par le col, c’est à nous qu’il cogne des beignes. Et le film fini, on est là, en position du juge à estimer le pardon que l’on est prêt à accorder à une ordure.
En bref, un film dense et très signifiant sans jamais verser dans la démonstration. Chacun pourra probablement y voir quelque chose de différent mais il reste un témoignage cru et bien senti sur le monde moderne en occident, à fortiori aux States. À tenter, sauf si vous aviez l’intention de soigner votre moral.
>>> La scène qu’on retiendra ? La confrontation avec la bonne sœur puis le Christ fait corps. Une scène qui change radicalement la lecture des évènements.