Bande à part
Bande de filles a mis un temps considérable à me séduire. Économe, voire avare dans ses mécanismes narratifs, j'ai mis un sacré moment à m'imprégner de cette ambiance faussement légère, de ses...
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le 27 oct. 2014
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Ce film est encore un petit bijou que nous offre Céline Sciamma. Elle confirme son talent après "Naissance des pieuvres" et 'Tomboy" que personnellement,, j'ai adoré.
Elle décide cette fois de dépeindre la vie d'adolescentes noires de cité, dans les années 2010.
Moi qui vit en banlieue parisienne et qui ait comme enfants des ados de cet âge, j'ai trouvé ce film extrêmement réaliste. Il a été tourné essentiellement dans la cité de la Noue à Bagnolet et s'attache notamment à montrer la place des filles dans les quartiers dits sensibles.
Dans ses deux premiers films, Céline Sciamma «partait de quelque chose d’intime qu'elle projetait vers de l’altérité et de la fiction». Elle a fait la démarche inverse pour celui-ci. Elle ne cherche pas immédiatement à se documenter sur la vie dans les cités, ne faisant cela qu'au moment du casting. Les personnages sont à la source du projet. En effet, Céline Sciamma a d'abord la volonté de parler des jeunes filles « en bande, bruyantes, vivantes, dansantes » qu'elle croise à Paris, notamment aux Halles, dans le métro et à la Gare du Nord. Elle y voit la possibilité de travailler plusieurs thématiques qu'elle a déjà abordées dans ses précédentes réalisations : la question de la féminité, celle des désirs et la construction de l'identité.
On suit le parcours de Marieme, une jeune fille de 16 ans qui à son grand regret, n'est pas admise en classe de Seconde, à la fin de l'année scolaire, qui s'occupe de ses deux petites sœurs, tandis que sa mère travaille (elle est femme de ménage). Marieme vit sous la crainte des coups de son grand frère, jouant le rôle d'un chef de famille ultra autoritaire et violent.
Ella va alors croiser la route, à la sortie du lycée, de trois autres filles de son âge, black comme elles, qui n'ont pas leur langue dans leur poche, qui sont pleines de bagou, sexy, et dont l'esprit libre, rebelle attire Marieme.
On suit la transformation progressive de Marieme en Vic, mutation qui passe par un changement de style vestimentaire et de coiffure avec la revendication d'une féminité beaucoup plus assumée.
Mais parallèlement à ça, Vic devient violente, ses yeux s'assombrissement; elle ose même racketter les plus jeunes à la sortie du collège pour ramener des sous à la bande. Elle ira jusqu'à se battre à mains nues pour défendre l'honneur de son amie. Elle emploie l'intimidation pour refuser un petit boulot de femme de ménage pour l'été et ment à sa mère, tandis qu'elle s'absente de plus en plus du foyer familial.
Mais Vic rit, danse, chante, découvre l'amitié et l'amour; elle vit et c'est tout ce qui compte pour le moment !
La scène où les quatre amies dansent et chantent dans une chambre d'hotel, sur la chanson de Rihanna, "Diamonds" est une des scènes du film les plus remarquées et commentées. C'est à juste titre à mon avis, car effectivement, de mon point de vue, c'est la scène la plus majestueuse du film, celle qui symbolise le plus l'amitié réelle entre ces quatre là. Elle est en même temps très représentative de la jeunesse des années 2010 : le goût pour la chorégraphie, le chant, les tenues classes, les coiffures qui font "style" et une énorme joie de vivre. Et puis la chanson de Rihanna fut un tube qu'on n'oubliera pas de ces années là.
Le scénario dépeint bien la problématique de ces filles de cet âge, vivant dans les cités : coincées entre les traditions qui les emprisonnent, les grands frères qui cognent, l'échec scolaire, le manque de perspectives et en même temps une soif de liberté immense.
Quel choix aura Marieme pour se sortir de ces murs de prison invisibles mais bien réels ?
La recherche des interprètes a dure quatre mois, et la réalisatrice a rencontré entre 200 et 300 jeunes filles. La directrice du casting, Christel Baras, a d'abord procédé à des «castings sauvages» en cherchant de potentiels interprètes dans les rues de Paris. Cette technique de recherche a fini par être nécessaire notamment parce qu'il y a très peu de jeunes filles noires dans les cours de théâtre.
Ainsi, Karidja Touré a été abordée alors qu'elle se promenait à la Foire du Trône, tout comme Mariétou Touré, qui fut découverte dans les rues de Bagnolet.
En tout cas, ce qu'on peut dire c'est que Céline Sciamma a eu vraiment le chic pour repérer des bons interprètes. Les jeunes actrices et acteurs méconnus voire débutants, majoritairement noirs sont tous extraordinaires, sans exception !
Evidemment, les quatre actrices principales sont celles qui crèvent le plus l'écran.
On remarquera particulièrement l’excellent jeu de Karidja Touré, qui joue Marieme allias Vic, et celui d'Assa Sylla qui interprète Lady allias Sophie, la chef de bande.
Les quatre actrices principales ont participé à une dizaine de séances de travail pour cerner leur personnage et l'ambiance de leur bande avant le tournage.
La réalisatrice leur a ensuite permis d'improviser une partie des dialogues afin de gagner en authenticité. Durant le tournage, elles logent ensemble dans un loft à Bagnolet, pour mieux seller leur complicité qui se voit d'ailleurs énormément à l'écran et qui est un des grands atouts du film.
La façon dont la réalisatrice filme ces corps jeunes, beaux, athlétiques toujours en mouvement est une vraie prouesse. Elle contraste avec la verticalité de la cité, son côté immuable, aussi bien dans son architecture que dans ses rites (très imprégnés de patriarcat).
Les filles veulent s'affranchir de cette prison et osent s’expatrier en dehors, sur des terres plus cosmopolites, où elles se sentent plus libres : le stade de foot, la chambre d'hotel, le forum des Halles à Paris, l'esplanade de la Défense etc.
De nombreux critiques de cinéma ont fait le parallèle entre ce film et le cinéma d'Abdellatif Kechiche.
Ainsi, Mathilde Blottière de Télérama note que c'est le premier film qui « se réapproprie la banlieue avec autant de panache » depuis L'Esquive de Kechiche, notamment car il «transforme aussi les lieux, ces tours ingrates qu'une nuit électrique rend méconnaissables, comme de curieux vaisseaux à l'architecture brute».
J'ai trouvé que la réalisatrice esquive les clichés habituels sur les minorités des quartiers dits "sensibles" : pas l'ombre de rap, d'islam, ou de combats entre les jeunes habitants et la police.
Non, nous avons au contraire, un quatuor, affranchi de tous ces poncifs : un sorte de déclinaison des groupes féminins de la pop afro-américaine des sixties, comme ont pu l'être les Supremes ou les Crystals.
Finalement on peut dire que c'est une forme de revendication féministe tout à fait particulière.
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le 14 mai 2017
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