Bande à part
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On demande souvent au cinéma français de filmer la misère sociale de façon naturaliste, tout comme l’on demande aux cinéastes naturalistes de ne filmer que la misère sociale. Kechiche en a d’ailleurs fait les frais lorsqu’il a décidé, avec la vide d’Adèle de quitter l’univers des classes défavorisées, issues de l’immigration (La faute à Voltaire, l’Esquive, La graine et le mulet) pour venir filmer la classe moyenne « blanche ». Quelques critiques ont reproché à Kechiche cette transposition dans un univers qu’il maitrise peu, les clichés sur le milieu artistique en étant l’exemple le plus frappant.
Céline Sciamma fait le chemin inverse et quitte l’univers de la tranquille banlieue résidentielle (Naissance des Pieuvres, Tomboy) pour planter sa caméra dans la triste banlieue, celle de la misère sociale, des ghettos, de la loi des « grands frères », celle où l’avenir n’existe pas.
La misère sociale supporte-t-elle d’être filmée autrement que de façon naturaliste ?
Oui ! Sciamma le prouve admirablement avec « Bande de Filles » où elle ne renie pas sa mise en scène stylisée : décors et costumes épurés, sobriété des dialogues, ralentis, musique électro, longs travellings tout en réussissant à porter un discours juste, sans condescendance, sans misérabilisme non plus sur la banlieue mais surtout sur l’émancipation, le passage difficile de l’enfance à l’âge adulte, difficulté exacerbée par le carcan que constitue le milieu social dans lequel elle a choisi de raconter ce récit initiatique.
« Bande de Filles » est également un film féministe, Marième refuse de jouer le rôle qui lui est écrit : grande-sœur effacée, mais responsable puis épouse aimante et dévouée, en faisant des choix de vie beaucoup plus risqués, souvent peu judicieux, mais qu’elle a décidé elle-même pour elle-même, elle se fait scénariste de sa propre vie.
Certes, cette façon de filmer cet univers peut surprendre. Les personnages n’ont pas l’accent banlieusards que l’on attendrait qu’ils prennent, le langage y est sobre, les expressions de la banlieue sont discrètes. C’est souvent déroutant - Rhomer n’est jamais très loin -, parfois peu approprié, mais cette neutralité permet de donner une portée universelle au discours de Sciamma.
Au-delà du discours, il s’agit avant tout d’un film d’une profonde qualité esthétique. Les ralentis, la simplicité des éléments de décors et de costume, les boucles électro de Para-One donnent lieu à des scènes que l’on apprécie juste pour leur beauté graphique. La scène de la danse sur Rihanna qui s’ouvre sur un plan rapproché dans une lumière tamisée, aux reflets violets artificiels, sur le visage de la chef de la « Bande de Filles » constitue l’un des plus belles séquences qu’ils nous aient été donné de voir au cinéma cette année.
Le parti-pris de Sciamma est donc réussi et « Bande de Filles » constitue un véritable tournant dans sa filmographie que l’on espère encore aussi fructueuse.
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Créée
le 6 sept. 2015
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