En voyant sortir la suite de Banlieusards j'avoue avoir eu quelques frayeurs : celle du film qui n'apporte rien, celle du film qui rate même le propos du premier, celle du film de trop en somme.
Mais force est de constater que cette suite est réfléchie, qu'elle est pensée. On est loin du film "tout-fait" trop souvent servi dans le cinéma français. A la fois elle offre une continuité dans l'histoire et dans les propos qui cimentaient les critiques du premier, et à la fois elle propose autre chose, de nouveaux angles, et de nouvelles critiques sociales.
Ainsi, on continue à suivre les histoires de ces trois frères : la volonté de Demba de sortir de cette spirale de violence qui l'a conduit aux portes de la mort ; la poursuite de la réussite et des idéaux de Soulaymaan ; et la descente aux enfers de Noumouké qui ne semble même pas saisir la nécessité de sortir de cette spirale de la violence. Chaque histoire est donc complétée, avec cohérence, quelques clins d'œil sympathiques au premier volet, et avec de nouveaux rebondissements qui permettront de poursuivre les critiques sociales acides entreprises dans le premier film. On retrouve ainsi, remis sur la table, la responsabilité de l'Etat dans la situation des banlieues, cette fois-ci par l'intermédiaire des violences policières presque étrangement absentes du premier volet. On retrouve, en parallèle, la responsabilité des habitants avec cette obsession pour le "choix", mais, à nouveau, amenée de manière adroite et nouvelle par l'intermédiaire des médiateurs de banlieues. On se paye même le luxe de réfléchir à la question de la justice et de la nécessité pour tout le monde d'être défendu grâce aux aperçus du monde judiciaire.
Mais ce que l'on peut également évoquer, et qui reste très bien pensé, c'est la façon d'amener d'autres considérations, notamment par l'intrigue du voyage. Le film prend alors en épaisseur en changeant de décors et en cassant le rythme. On change de perspective, on décontextualise et par le fait, on relative, aussi, les problèmes. Ca permet de contraster l'ensemble des péripéties et des critiques sur lesquelles les deux films reposaient. Qu'importe l'argent quand on voit les conditions de vie de ces gens ? (Je reste vague non par hauteur raciste, mais pour ne pas spoiler). Par quelle bêtise, par quelle immaturité, peut-on prendre l'école à la légère quand on voit ce qu'elle peut représenter ailleurs ?
Et, en même temps, le film s'empêche de verser dans le pathos, dans la romantisation de la pauvreté, de la faim, de l'absence du nécessaire, et l'on est ramené à la réalité. "Tu idéalises l'Afrique".
En ce sens, le film est une réussite, à n'en pas douter. Son seul défaut, finalement, est d'ouvrir bons nombres d'intrigues qu'il ne parvient pas à clore. On débouche alors sur deux possibilités : soit le film a plus d'ambition que de maîtrise ; soit le film ouvre sur un trois. Et aucune de ces deux possibilités n'est bonne en elle-même. Car, autant le premier volet pouvait être pris comme une œuvre close et indépendante, autant il paraît bien plus difficile de considérer ces deux films comme un tout : ils en appellent un dernier. Et là on penche dangereusement dans la franchise à fric...