Le Miroir
Avec Barbara, Mathieu Amalric s’échappe d’une écriture linéaire et décale le genre du biopic vers des sphères plus spectrales et éclatantes. Alors que Jeanne Balibar incarne les traits de la...
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le 10 sept. 2017
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Barbara s'inscrit dans une triple continuité marquée par le sceau de la fascination.
Continuité avec Tournée, le quatrième long métrage réalisé par Amalric, dans lequel il incarnait déjà une figure de l'ombre, un homme passionné et vampirisé par les artistes qu'il mettait en valeur.
Continuité avec une histoire d'amour : en jouant le rôle d'un réalisateur qui réalise un biopic sur Barbara, jouée par une actrice à laquelle Jeanne Balibar prête ses traits, il ose la plus intime des mises en abyme, le trouble du cinéaste face à celle qui fait revivre la chanteuse sous ses yeux étant doublé par celui de l'homme qui retrouve à l'écran celle qui a été pendant des années sa compagne à la ville (et au cinéma, chez Desplechin et Jacquot).
Continuité enfin avec Les fantômes d'Ismaël, le dernier Desplechin justement, sorti le mois dernier, dans lequel il jouait déjà un homme obsédé par une femme d'outre tombe revenue le hanter.
A cette lecture intime et métacinématographique, qui rend le film délicieusement troublant, s'ajoute l'élégance d'un acteur-réalisateur qui a su faire les choix les plus intelligents. A commencer par celui d'éviter les écueils du biopic convenu en choisissant le genre, tellement plus intéressant, du film dans le film : il n'est pas question de la vie de Barbara, mais de l'essence d'une figure mythique que tentent de saisir une actrice et un réalisateur s'inscrivant dans une quête parallèle - elle, de l'incarnation juste, lui, de la captation et de l'obsession.
Si Jeanne Balibar livre une prestation exceptionnelle (ressemblance physique, appropriation du timbre et du phrasé rapide de la chanteuse, interprétation irréprochable des nombreuses chansons), celle-ci s'exprime dans l'écrin qu'Amalric lui a confectionné avec des mains d'orfèvre. Dans un jeu permanent de poupées russes, il use notamment avec génie des images d'archives, réussissant là où Pablo Larrain a échoué en début d'année avec son biopic sur Jackie Kennedy : loin d'être mécaniquement illustratives ou bêtement crâneuses dans la réussite de la reconstitution, toutes les images où l'on voit la vraie Barbara se mélangent harmonieusement avec celles de Balibar jouant une actrice jouant Barbara, participant à la dynamique d'une mise en abyme sensible et sensuelle où trois femmes se mélangent en une seule sous les yeux d'Amalric, qui incarne lui-même tout à la fois le réalisateur hypnotisé, l'admirateur bouleversé et l'homme face à son ancien amour.
Une réussite visuelle (rien que le générique d'ouverture, pourtant tout simple, est splendide), richement illustrée de morceaux de Barbara (et c'est là que le non fan, dont je suis, trouvera sa limite : le film flirte avec le musical et, pour peu que l'on ne soit pas sensible au répertoire de la chanteuse, semble du coup un peu long sur la toute fin) et merveilleusement troublante à plus d'un titre.
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Créée
le 1 juil. 2017
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