Le Miroir
Avec Barbara, Mathieu Amalric s’échappe d’une écriture linéaire et décale le genre du biopic vers des sphères plus spectrales et éclatantes. Alors que Jeanne Balibar incarne les traits de la...
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le 10 sept. 2017
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Mathieu Amalric a cette espèce d'aura, probablement due à son regard perçant toujours enclin à un équilibre distinct entre passion en envoûtement, qui le prédestine au cinéma d'auteur, si on y rajoute une mentalité que l'on jugerait créée pour défendre cette même mouvance. Des passages répétés chez Iosseliani, Despleschins, Jacquot, Resnais, confirment l'affection de l'acteur pour le genre, et ses expérimentations en tant que réalisateur, qui commencent du coup à dater, sont toujours inclues dans un cinéma sujet à de légères expérimentations de narration et surtout à des thèmes souvent très personnels. N'ayant jamais caché son amour pour Barbara, il n'est donc pas étonnant de le voir s'adonner à un biopic sur la chanteuse.
Et évidemment, on se doute que quelqu'un comme Mathieu Amalric, au vu de son parcours, doit avoir une certaine lassitude, totalement justifiée d'ailleurs, envers les biopics ordinaires. Il lui appartient donc de modifier totalement sa manière d'aborder le genre, et tout en offrant une vision originale, un angle imprévu, rendre l'hommage qui se doit à l'immense compositrice et interprète. Malheureusement, une fois le constat établi, rien de ce cahier des charges ambitieux ne sera respecté.
À coup de métaphores rarement habiles, Amalric aborde son biopic par le biais d'un réalisateur perdu voulant faire un film sur la précédemment nommée. En gros, il est un réalisateur qui filme un réalisateur qui filme un biopic sur Barbara. Beaucoup de complications pour peu de satisfaction, et surtout une impression de nombrilisme intense qui ne démord pas. À travers des cadres à angles complexes pour être complexes, il surcharge son propos, sa force évocatrice, ne faisant ressortir que son ego et son arrogance. Ça se regarde beaucoup, ça s'aime, et pourtant ça essaie de nous faire croire à une sorte d'humilité là où l'on imagine parfaitement le duo Balibar/Amalric s'adonner aux soirées mondaine bras dessus dessous, où ils iront prétendre d'à quel point eux ont compris la façon dont on rend hommage.
Balibar, parlons-en. Totalement dans cette envie persistante de se regarder elle-même, son "personnage" (si tant est qu'elle sorte un tout petit peu de sa propre personne) est à l'image du film : il fait croire qu'il donne alors que son but est juste de chercher regards et flatteries. Alors, y'a-t-il une originalité abordée ? Oui et non, car on revient vers ce cinéma qui a à la fois sublimé une identité propre mais aussi écarté toutes chances d'atteindre un cinéma varié et intense. Celui de la Nouvelle Vague, de cette exception culturelle à la française qui au final l'enferme dans son snobisme et sa vanité. Et surtout, la seule question qui persiste, après une tourmente subie, une masturbation pseudo-intellectuelle d'Amalric et Balibar qui nous parlent de Balibar et d'Amalric : quid de Barbara ?
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le 17 sept. 2017
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