La critique sera brève [UPDATE: j'ai menti] car écrite à chaud.


La note ne le cache pas, j'ai réellement apprécié le film. Peut-être même un peu surnoté pour être honnête, mais le contexte de visionnage et le fait que c'est le premier film d'horreur qui m'enthousiasme vraiment depuis... Hérédité? On est pas sur le même niveau de maîtrise mais c'est bien fait.

Pourtant le début a de quoi ennuyer, même si la caméra sait ce qu'elle fait, certains effets sont forcées, on sent que le réalisateur joue avec nos attentes pour les tromper. C'est une intention louable, mais qui doit rester subtile. Cela dit, la tension parvient à s'installer, l'étrangeté de la situation et l'impossibilité pour le spectateur de savoir quoi penser de ce personnage masculin permettent au moins de nous accrocher.

On échappera pas aux inénarrables explosions de la suspension consenti de l'incrédulité, tant nos personnages font tout pour se (nous) mettre dans des situations merdiques. Vraiment il faut arrêter d'ouvrir toutes les portes qu'on trouve. Le "nope" très sincère du personnage féminin face à la porte des ténèbres aura pu clore le film, mais il faut que film il y ait.


Une fois tout cela derrière nous, il reste le bel ouvrage qui commençait à se monter dans le premier acte. Certains, un masqué présent sur SensCritique, a profondément détesté le fait que l'on nous "trompe" à longueur de film, notamment par des cuts radicaux qui servent de transition vers tout autre chose. On croit suivre l'histoire de ces deux personnages? Eh bah non, on va plutôt vous raconter la tragédie d'un monstre attendrissant quoique brutal et amoral (non pas immoral, j'insiste). Et c'est cela, que certains n'ont pas goût, qui a fait pour moi le sel de ce récit.

Outre mon affection démesurée pour les monstres tendres (8/10 j'avoue que je force), j'ai apprécié qu'on construise ainsi le récit en poupées russes, dans un emboîtement, ou plutôt une plongée dans cette cave qui cache un sous-sol encore plus profond et dérangeant. On sent bien, par quelques indices visuels plutôt évidents, les horreurs qui se sont déroulées ici, la question étant de savoir s'il s'en trouve encore de nouvelles. On nous laisse, dans une certaine mesure, théoriser les événements tandis que les personnages se débattent avec une maladresse confondante. Car il faut bien dire qu'ils oscillent entre une stupidité toute humaine, et donc qui ne me dérange pas, et une débilité profonde qui va contre tout bon sens. Mais c'est pour les besoins du film, alors on passe mais on prend note de ces écorchures.


Enfin, une fois qu'on arrive vers le dernier acte, on a plus ou moins assemblé toues les pièces du puzzle, le réalisateur nous donne à peu près tous les éléments, mais pas trop, pour ne pas tomber dans la vulgarité (merci de m'éviter les VHS de scènes que je préfère ne pas voir). Alors ce dernier temps du récit se déploie avec ses défaits, mais d'immenses qualités également. Pour ce qui est des défauts, on peut citer les tropes déjà trop vus, mais cohérent dans la diégèse. Comme cette créature (qu'on a appelé la goule avec mon colloc) qui est aussi increvable que Jason un vendredi, ou bien le pied qui marche malencontreusement sur le mauvais truc au mauvais moment, etc. C'est pas affreux à regarder, mais quand on est emballé dans une histoire relativement originale, cela laisse un petit arrière goût désagréable. Autre gros point noir de ce final, et celui-ci je ne le pardonne pas aussi aisément, c'est ce personnage-exposition: un SDF qui n'a AUCUNE raison d'être ici (sérieux mec, tu sais que la créature rôde, qu'il n'y a "rien de propre ici" comme tu le dis bien, et ça fait 15 ANS que tu restes alors que rien ne t'empêche de te tirer! Ok être SDF c'est rude, mais pourquoi ne pas l'être sous des cieux plus cléments), ce SDF donc ne sert qu'à exposer des événements encore obscurs, on sentait tout cela, il faut qu'il nous le dise, et de façon bien frontale. C'est désagréable. Heureusement que le film en semble conscient et lui donne une mort burlesque.


J'en viens donc, pour conclure, parce que j'avais dit que je ferai bref, aux deux autres points que j'ai évoqué sans creuser: La créature tendre et le personnage masculin pathétique nommé "AJ".

J'adore cette créature, c'est clair, net et sans bavure. On la montre ouvertement sans la surexposer, sauf à la toute fin. Son design est très réussi, mêlant tous les thèmes qu'elle véhicule (humanité dégradée par la faute de son géniteur, par ses conditions de vie, et pourtant elle reste très humaine à certains égards, notamment dans ses gestes qui dégagent presque des moments de poésie) et elle parvient donc à susciter effroi brutal, inquiétude latente, et tendresse mêlée de peine (ce que doit ressentir le personnage principal à la toute fin je suppose). On est donc face au trope du "monstre victime". Il n'est pas mauvais, il est ce que le monde en a fait. Et pour y survivre, ce monstre ne cherche qu'un amour à donner, même pas à recevoir, chose impossible. Je ne pensais pas, tant certaines scènes sont burlesques, que les derniers moments pourraient me serrer le coeur ainsi. Ce dernier geste du monstre exprime alors toute l'humanité qui fait défaut à AJ.

Car le AJ, c'est le vrai monstre du film, avec son acolyte thématique, le père du monstre. Deux hommes violents, immoraux, mais l'un semble avoir toujours été conscient de ce qu'il est, et enlace cette condition des deux bras (le père), tandis que l'autre est encore trop humain, pas encore assez monstrueux, pour reconnaître pleinement le déchet qu'il est. Cela est montré, presque trop, dans la scène où AJ reproche au père d'être un détraqué, car lui-même ne pense avoir fait "qu'une erreur", dont il est "désolé". J'ai failli être gêné par l'empathie que le film commençait à générer autour de lui. Mais c'était pour mieux la retourner, car il n'attend pas plus de 30 sec avant de laisser son vrai visage apparaître au grand jour: lâcheté, opportunisme, égoïsme, absence de pitié (au sens rousseauiste du terme), et débilité. Il jouera même, et j'ai apprécié ce retournement, sur le fait que la créature ait plus d'empathie et d'humanité que lui afin d'essayer de se sauver lui-même. Elle saura le lui faire payer, car elle ne saurait tolérer ce monstre, qui est à tous les égards bien pire qu'elle.


Alors certain n'ont pas aimé ces messages, peu subtils il est vrai, à propos des violences faites au femmes, thème qui traverse tout le film. Mais merde, j'en ai marre d'entendre des hommes, car c'est systématiquement des hommes, se plaindre dès que le thème d'un film ne porte pas sur la métaphysique, l'héroïsme, la lutte des classes, ou autre noble thème, mais sur la condition des femmes. Leurs peurs, quand elles entrent dans un lieu qui leur est sans cesse potentiellement hostile, l'impossibilité d'un rapport apaisé à un homme inconnu car "on ne sait jamais". Et désolé messieurs, mais si les deux personnages masculins sont déplorables moralement, il en reste un auquel vous accrocher. Si la masculinité est trop fragile pour tolérer les propos féministes d'un film, on vous a fourni un modèle. Modèle dont on doute au début, il est tout à la fois adorable, mais suspect, et qui finit par nous quitter malheureusement. Il est alors à concevoir comme une victime d'un système oppressif pour les femmes, et qui a des répercussions sur les hommes. Si la créature t'emporte, c'est qu'elle est le pur produit de la violence d'un homme, et d'une violence démesurée. Alors oui le parallèle entre les deux monstres du film manque de subtilité, mais cela est selon moins comblé par un propos fort et clair, qui s'assume sans faux semblants, mais aussi par un monstre qui emporte tout par sa brutalité comme par sa tendresse.


On veut plus de monstres, mais pas de monstres humains (et masculins).

Simon_Findor_Ri
8
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le 28 mai 2024

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Simon_Findor_Ri

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