Barberousse de Akira Kurosawa
Etudiant en médecine formé aux méthodes hollandaises et promis à un poste à la cour, le jeune Yasumoto se retrouve dans un dispensaire pour ce qu’il croit être une simple visite. C’est pourtant là qu’il poursuivra sa formation, guidé par Barberousse, un médecin idéaliste luttant contre la misère et l’ignorance.
Kurosawa considérait Barberousse comme son film somme à l'époque. Et pour cause. Gros budget, méticulosité dans la reconstitution, longueur du tournage (presque 1an et demi) le maitre n'a pas à rougir face à Kubrick et son 2001 l'odyssée de l'espace. Le controle etait total. Et ce fut la derniere collaboration avec son acteur fétiche Toshiro mifune suite à de nombreux différents. De part les problèmes d'argents de Mifune ayant produit son unique film l'heritage des 500000 mais ne rentrant pas dans ses frais, le tournage long de Barberousse et l'impossibilité de raser sa barbe l'empêchait d'aller jouer ailleurs et d'autre part le désaccord entre Mifune et Kurosawa sur l'interprétation de Barberousse. Le premier en a fait une figure vertueuse le deuxième voulait en faire un personnage plus ambigu. Malgré le succès immense du film, ce sera le début des ennuis pour Kurosawa. La Toho n'a pas apprécié le dépassement de budget. sa fidélité à la toho va être mis à mal.
Pour en revenir au film et la méticulosité de la reconstitution, le maitre a refait un quartier entier d'edo. Mais là où les réalisateurs des grosses productions américaines n'hésitaient pas à montrer les magnifiques reconstitutions par des plans d'expositions, Kurosawa décide de le faire de manière moins démonstrative (au travers d'une fenetre, un plan aérien mais uniquement des toits, etc...). Ou dans un autre registre, il a fait mettre dans les centaines de tiroirs de l'armoire à pharmacie les herbes médicinales alors que ceux ci ne seront jamais ouvert. Kubrick? un petit joueur à coté.
Ce sera le dernier film de Kurosawa en noir et blanc. Et le travail est absolument à couper le souffle. Deux directeurs de la photographie ont été nécessaire pour ce résultat. Le contraste entre l'ombre et la lumière est monumentale. exemple de scène, Yasumoto est à gauche du cadre dans la lumière et le personnage de la nymphomane est à droite dans l'ombre, le plan est séparé par une bougie. Ce jeu d'ombre et de lumière reste uniforme malgré les changements de cadres successifs au fil de l'approche de Yasumoto vers la nymphomane. Et que dire de la mise en scène, le maitre invoque tous ce qui a fait son succès. Il y a sa gestion de l'espace, son refus d'utiliser le champs contrechamps, ou encore son sens de la chorégraphie dans l'unique scène de combat. Et quelle scène de combat.
Kurosawa revient aussi à certains thèmes traités dans de précédents films comme l'apprentissage (L'ange Ivre, le médecin qui veut apprendre aux Yakusas de ses erreurs), la pauvreté (les Bas Fonds ou entre le ciel et l'enfer de manière plus large). Comme d'habitude, les acteurs sont tous impeccables mention spéciale à Yoshitaka Zushi qui joue le personnage de Chobo, un enfant pauvre. Il est exceptionnel de naturel.
Depuis le commencement de la filmographie du maitre, j'ai toujours préféré ses films se passant dans l'époque contemporaine du japon car je les sentais plus personnel, plus matière à analyse. Avec Barberousse, il me fait complétement mentir tant il réunit tout ce que j'aime dans son art. Un chef d'oeuvre sur la transmission, sur l'écoute et la compassion.


Kurosawa forever /20

JohaKeyz
9
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le 30 sept. 2020

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