Curieux, insolite ou indécent, le phénomène Barbenheimer n'a laissé personne indifférent. Un film va même s'inspirer du buzz en ligne (Hollywood reste Hollywood), gageons qu'il saura en extirper la frivolité derrière l'apparente prise de position sur le cinéma pour tous les publics. Rembobinons un peu. Avant d'être un triomphe de marketing, le film signé Greta Gerwig était simplement la tentative de reproduire la réussite de La Grande Aventure Lego. De l'embauche de la réalisatrice très indé au casting très pimpant (Margot Robbie, Ryan Gosling) jusqu'à l'ajout du très drôle Will Ferrell, il y a l'ambition de combiner sexy-comique-esprit. Il y avait plus qu'à...Sauf que ça ne marche pas des masses.
Barbie a ses références (The Truman Show, Le Magicien d'Oz, Jacques Tati,...), Barbie a son esthétique. C'est d'ailleurs très réussi sur ce plan. Le Barbie Land crée par la conceptrice Sarah Greenwood et la décoratrice Katie Spenceraux est une pépite. Couleurs pétantes, maisons ouvertes aux lignes parfaites et les toiles de fond peintes traduisent à merveille son artificialité. Le chef opérateur Rodrigo Prieto a en plus l'excellente idée de prolonger ce sentiment sur le monde réel en lui accolant une photographie grisâtre et morne tout droit sortie d'une production MCU. Tout cela donne une identité forte au film de Gerwig, qui en plus s'amuse à insérer quelques plans avec les poupées aux prise de vues réelles. La mise en scène et l'écriture vont par contre sauvagement se casser les dents sur le discours...
Alors oui, le public est moins select que son "concurrent" Oppenheimer, mais était-ce une raison pour délivrer un speech anti-patriarcal aussi frontalement bas de plafond et embrouillé ? Le récit d'une Barbie cherchant à raviver l'optimisme dans une famille en pleine déprime, en voilà une belle idée pourtant mal déclamée car Barbie ne sait pas quoi en faire, au point de partir dans tous les sens et ne mener nulle part. Une sous-intrigue mal fichue (L'empire Mattel et son PDG), des personnages sous-exploités (Alan) et un ton moyennement drôle. Ironie de l'affaire, l'adaptation ne fonctionne que quand Ken hacke l'intrigue. Le talent comique de Ryan Gosling permet au film de trouver le bon dosage entre caricature et critique. Ça ne sauve pas le film du ruisseau malgré ses qualités plastiques, mais ça permet de réduire (légèrement) le fossé entre les idées stimulantes et l'exécution amorphe.