L'an prochain, Alejandro González Iñárritu aura 60 ans. Et n'aura tourné que relativement peu de films (6) entre 2000 et 2015, en s'éloignant de plus en plus du Mexique pour de lourdes productions internationales. Qu'il soit à un moment de sa carrière où il a besoin de faire le point et de revenir à ses racines semble évident à la vision de Bardo, sachant que Netflix lui a donné les (grands) moyens pour s'exprimer dans un film qui est son plus personnel et le plus libre sur les plans esthétique et narratif. Le héros de Bardo lui ressemble fort, un journaliste/documentariste qui s'interroge sur la célébrité, la famille; son rapport avec les États-Unis et puis, plus largement, sur l'histoire de son pays natal, jusqu'à convoquer la figure du conquistador Hernán Cortés. Cela fait beaucoup de sujets, même pour un long-métrage de plus de 150 minutes, et la salade mexicaine préparée par le cinéaste surprend par une fadeur occasionnelle et un net manque de fluidité dans un récit plus intellectuel que émotionnel et qui s'évade parfois dans des visions oniriques ou surréalistes (pas totalement felliniennes mais un peu quand même) qui ne sont pas toujours passionnantes. Bien entendu, il y a des fulgurances, car Iñárritu reste un grand styliste, et des scènes remarquables, pas nécessairement les plus sophistiquées d'ailleurs, à l'image de celle de l'aéroport, qui sent diablement le vécu. Impression mitigée, donc, et frustrante aussi, car c'est un film qui mériterait les plus grands écrans. A l'aube de la soixantaine, pourquoi le réalisateur de Babel, après cette mise au point un peu floue, ne repartirait-il pas avec un nouvel élan vers des fictions où son savoir-faire, son humanisme et sa créativité brillent de mille feux ?