Barquero
6.7
Barquero

Film de Gordon Douglas (1970)



  • Vous ne m'avez jamais bien regardée.

  • Vous vous trompez.

  • Je sais que vous m'avez regardée, comme ça... mais sans étudier de plus près.

  • J'étudie ce qui est important pour moi. C'est ce qui me sauve.

  • Donnez-lui la barge. Je ferai ce que vous voudrez.

  • C'est la journée des bonnes affaires !

  • Écoutez-moi... Vous n'avez jamais connu une vraie femme de votre vie. Elles ne l'étaient qu'à moitié... Comme cette soi-disant femme avec qui vous êtes. Vous n'avez jamais eu une femme qui le soit à 100 %. Vous avez passé votre vie avec le genre de femmes qui vont d'une hutte de trappeur à une autre, qui prétendent être une femme pendant 4 ou 5 minutes, puis retournent à des travaux masculins. Vous n'en n'avez jamais connu une comme moi.

  • Mme Hall... Votre mari justifie à lui seul ce marché ? Vous savez que non.

  • Nous nous ressemblons, à notre façon. Je suppose.

  • Je donnerais n'importe quoi pour passer une nuit avec vous. N'importe quoi.




Maudit, ou tragique ? ##



Barquero est un western posthume qui devait initialement être réalisé par Robert Sparr qui mourut dans un accident d'avion alors en pleine recherche d'un lieu de tournage dans le Colorado. Suite à la mort tragique du cinéaste Gordon Douglas fut choisie pour prendre la relève. Avec un savoir-faire pertinent le cinéaste présente un western sans compromis qui appréhende dans une réalité punitive, brutale et impitoyable le véritable visage des héros du Far West. Une idée pertinente autant dans le fond que la forme qui va remettre à sa juste place et sans le moindre filtre l'ensemble des figures westerniennes par le biais d'une histoire simple mais o combien efficace. Un groupe de hors-la-loi barbare après avoir éradiqué une ville du Texas chevauche avec un butin conséquent vers le Mexique. Leur plan de repli consiste à passer le fleuve séparant les deux pays via la seule barge tenue par un barquero qui va prendre de cours les brigands en faisant passer tous les citadins. Chacun des deux groupes se retrouve alors coincé du mauvais côté du fleuve, ce qui conduit à une confrontation des nerfs entre le chef des brigands Remy, et le barquero Travis.



La chute des héros ##



Barquero livre un récit tranchant via une intrigue qui trouve une logique dans une dynamique de déconstruction des mythes, entre un prêtre arnaqueur qui ne pense qu'au profit, une femme de bonne famille qui va jusqu'à vendre son corps pour engager un mercenaire, une autre femme d'un rang social moins élevé qui passe d'un homme à un autre et qui accepte affectivement les dérives sexuelles de son homme, jusqu'aux deux personnages principaux. Le film n'a pas vraiment de héros, car les deux hommes dominant du récit : '' Travis '' et '' Remy '' représentent la même face d'une même pièce. Remy est un mercenaire qui dirige d'une main de fer son gang, et Travis ne se soucie guère plus des citadins dont il a la charge. Chacun prend finalement en otage son groupe, n'hésitant pas à se servir des gens qui comptent sur eux et même de leurs soi-disant meilleurs amis quittent à les sacrifier pour pouvoir finalement oeuvrer pour leurs propres biens dans un pur élan d'égoïsme. Travis se sert des femmes à son aise qu'il considère comme de la chair à marchander, là où Remy n'hésite pas à les tuer lorsqu'il en a plus l'utilité. Une intense rivalité est savamment entretenue entre les deux hommes qui ne cesse de se défier depuis les deux rives du fleuve à travers un jeu du chat et de la souris qui va finalement mettre au grand jour la suprématie des deux hommes au sein de leurs groupes sur lesquels ils vont avoir un ascendant psychologique. Une ressemblance autour du mépris qui va trouver une différence dans l'attitude de ceux-ci, entre l'un plus réfléchi et discret, et l'autre plus démonstratif et instable. Comme se le précisent les deux hommes, s'ils se seraient rencontrés dans d'autres circonstances ils seraient certainement devenus amis.



Personnages aux antipodes des caricatures



Lee Van Cleef en tant que Travis offre un personnage nuancé qu'il incarne d'une poigne de fer. Un barquero qui mène sa propre barque à travers un style de vie indépendant. Perçus par les citadins comme le héros à la Winchester zébrée, ceux-ci vont rapidement découvrir l'homme inflexible qu'il est. Sa nature calme et posée lui permet de berner son monde. Si au début on pense qu'il fait cela pour aider tout le monde, finalement on comprend qu'il ne s'agit depuis le départ que d'un intérêt personnel. Forrest Tucker pour Phil incarne le montagnard par excellence qui se refuse à la modernité. Malgré son apparence rustre c'est un ami fidèle qui envers et contre tout reste fidèle à son ami Travis dont il a du mal à saisir les intentions. Dans une séquence, Phil prononce deux phrases qui viennent donner sens à la résultante du récit : '' Il y a les loups, et il y a les moutons ! Tiens avec eux... eux ne tiendront pas avec toi. '' Warren Oates en tant que Jack Remy est impressionnant ! Le comédien surprend par sa performance rondement menée autour d'un personnage qui assume sa cruauté et son instabilité. Kerwin Mathews sous les traits de Marquette le bras droit de Jack Remy amène la réflexion à la folie de son boss. Une complémentarité nécessaire à la survie du gang. Les comédiennes Mariette Hartley pour Anna et Marie Gomez pour Nola surprennent de par l'utilisation déstabilisante de leurs personnages. Je dois dire que je suis resté difficilement impassible devant les formes très généreuses de Marie Gomez. L'acteur John Davis Chandler m'a fait marrer avec sa tête de chien battu.



De la technique et du sens



La réalisation de Gordon Douglas s'appuie sur la localité de l'action qui offre un contraste original pour une confrontation au sommet en s'appuyant sur des éléments extérieurs favorisant une profondeur de champ qui donne au centre de la façade un maximum d’éléments décoratifs naturels qui imprime en relief les effets d’ombre et de lumière. Une utilisation de l'espace habilement géré. La mise en scène est étonnante avec des plans changeants qui s'essaient à la surprise avec des gros plans qui appuient le visage de certains comédiens durant des séquences précises. Petit manque de rythme à déplorer vers le milieu du récit qui laisse un vent monotone s'installer durant quelques minutes qui heureusement ne seront pas représentatives de l'ensemble du film. La partition musicale de Dominic Frontiere est atmosphérique et s'adapte parfaitement à l'action proposée. De nombreuses séquences sont à retenir à commencer par sa longue scène d'ouverture qui présente un véritable massacre sous un déluge de coup de feu d'une violence implacable. Une fusillade spectaculaire ! La confrontation finale à également de quoi tenir en haleine avec un affrontement radical sur les barges à bois. Le duel ultime à la Winchester entre Lee Van Cleef et Warren Oates est d'excellentes factures de par son cadre spécifique et sa circonstance si particulière. Le chapitre où Warren Oates vient à littéralement péter les plombs en déchargeant sa haine contre le fleuve en vidant ses cartouches contre cette eau qui l'empêche d'avancer est particulièrement saisissante. Du grand art !



CONCLUSION :



Barquero de Gordon Douglas est un excellent western qui puise sa force dans l'ingéniosité de son cadre ainsi que dans la déconstruction des figures emblématiques du western joué par des comédiens remarquables qui incarnent des personnages aux antipodes des clichés. Une belle surprise pour ce western américain qui use d'un format proche du modèle italien. Un film radical que Lee Van Cleef et Warren Oates subliment par le biais d'une dualité magnifiquement mise en boîte.


À la mémoire Robert Sparr.




  • Barquero ! On aurait dû se rencontrer une autre fois !

  • Oui ! Quand tu ne cherchais pas à avoir ma barge !

  • Ha ! Ha ! Ha ! Ah oui... cette barge ! Je le concède, elle est à toi. On se serait peut-être bien entendus sans cette barge. Si je t'avais rencontré à Mexico... On aurait descendu une bouteille de tequila !

  • On aurait sûrement descendu quelque chose !


B_Jérémy
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le 10 nov. 2021

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