1. Avant même la sortie de Batman & Robin, la Warner et Joel planchent déjà sur une nouvelle suite. Heureusement, le flop critique et financier du film à sa sortie en 97 vont freiner les ardeurs. Les projets et réalisateur à qui ils sont proposés vont se succéder : Darren Aronofski, Wolfgang Petersen, les Watchovski et même Clint Eastwood, à qui le studio avait même proposé le rôle principal. Mais ça ne sera qu'à partir de 2003 que les choses bougeront enfin sérieusement, d'abord avec l'arrivée de Christopher Nolan, puis celle de David S. Goyer au scénario. Objectif premier de Nolan : se réapproprier la licence avec une touche de réalisme, fortement influencé par le Superman de Donner. Pour le rôle titre, un acteur britannique cependant habitué à l'accent US : Christian Bale. Adepte de la transformation, il vient tout juste de boucler un projet pour lequel il ne pesait qu'une quarantaine de kilos, et pour le rôle, non seulement il récupérera le poids attendu, mais même encore davantage, au grand désarroi de la production qui se retrouve désormais avec un Bruce trop épais. Quelque réajustements et nous sommes partis.


À sa sortie, j'avais été conquis par le résultat, même si j'avais déjà trouvé le dernier tiers un peu en deçà du reste. 15 ans plus tard, ça n'a pas trop bougé, mais je subis davantage le découpage narratif de Goyer, un découpage que l'on retrouvera également dans les précédents mais en pire dans MoS et ses suites.


Batman Begins est un film solide. Grâce à une production de qualité, un réalisateur qui a su ce qu'il voulait du perso, la confiance du studio et tout un tas d'autres facteurs bonifiants, Batman est introduit au XXIème siècle avec un coup de dépoussiérage indéniablement réussi.


Commençons par le casting par exemple : non seulement Bale propose une interprétation sérieuse de Bruce et son alter ego masqué qui me plait, mais en plus il est entouré de personnes aux compétences parfaitement exploitées. Entre les deux facettes de la sagesse charismatique de Michael Caine et Morgan Freeman en Alfred et Fox, l'infaillible sérieux de Liam Neeson, le flegme chirurgical de Scarecrow par Cillian Murphy ou même le juste ce qu'il faut de cabotinage de Ken Watanabe en Ras, sans oublier l'impassible et attachant Gordon joué par Gary Oldman... Seule Katie Holmes peine un peu à briller dans cette distribution. Ça n'est pas par elle que le palier émotionnel est atteint, mais plutôt par la relation Bruce-Alfred, et le reflet du passé de Bruce à travers ce tandem.


Autre personnage qu'il ne faut surtout pas oublier dans un Batman : Gotham. Et globalement c’est bien. La ville est crade, corrompue, différente du gothique quasi grotesque des films des 90's (et attention, grotesque n'est pas forcément à prendre comme un mot péjoratif), mais avec une « personnalité » peu déséquilibrée, entre le centre ville qui tente de faire très réaliste et les bas-quartiers qui ne sont qu'un empilement pas très bien défini de bidonvilles. Ça aurait pu illustrer de véritables écarts dans la situation démographique de la ville, mais ça n'est pas exploité ainsi ou si peu.


La production a tout fait pour rendre l'univers plus crédible, et très franchement pour la grosse majorité ça fonctionne vraiment du feu de dieu. On peut cela dit relever deux trois détails du type : si Bruce demande son Tumbler en noir, est-ce que ça signifie pas qu'une chaine de production doit être lancée, et auquel cas les employés qui l'ont composé ne risquent-il pas de deviner que la Batmobile est un prototype de la Wayne Enterprise ? Ce genre de "petites" incohérences, on peut en trouver plusieurs, mais rien qui puisse vraiment gâcher le plaisir du visionnage.


Même la musique, tonitruante et sévère, renforce cette nouvelle tonalité sérieuse. Zimmer fait un boulot plutôt efficace, car même si le thème principal n'a pas la même résonance que celui des 90's, il demeure franchement marquant. On entend ces quelques premières notes distordues sur léger fond de percussion, brouillées dans de l'echo, et on sait qu'on va voir un Batman spécifique : celui de Nolan.


Pour le reste, c'est là que ça devient plus discutable. Si Nolan sait raconter des histoires avec panache, il pèche singulièrement au niveau de la mise en scène. Visuellement on a droit à un film propre mais à la personnalité pas très définie, et c'est souvent diminué par un montage effroyable, qui ne nous laisse jamais le temps de réellement souffler, d'autant que la musique quasi omniprésente de Zimmer n'aide pas non plus à la tâche.


C'est quand même dommage d'avoir un film sur un super-héros doué pour être invisible et se battre, et de se louper pour correctement montrer ces deux facultés. La caméra est incapable de cadrer l'action correctement par exemple. On a envie de penser que c'est la façon de Nolan de montrer que Batman est insaisissable, mais pour moi c’est surtout un manque de compétences ou d’idée pour réellement exploiter ses capacités.


C’est tout aussi dommage quand on voit les efforts déployés afin d’utiliser un maximum d’effets pratiques aussi aisément dépréciés par ce montage assassin. Tout la course poursuite en Tumbler est pleine d’adrénaline, mais je mets ma main à couper qu’avec une mise en scène plus efficace on aurait eu quelque chose d’encore meilleur.


Autre point fâcheux pour moi : la narration. Goyer alterne entre l’enfance, le passé et le présent de Bruce sans grande subtilité, jusqu’à à mi-parcours ou l’on finit enfin par se reconcentrer sur le moment présent. Sauf que même passé ce stade, j’ai toujours cette sensation de vivre un flashback, de regarder ce qui se passe avec une forme de détachement, comme si le regard de Nolan et l’écriture de Goyer étaient trop… froids. Pourtant le film ne manque pas de virevolter entre l’action et l’accalmie, le sérieux et le plus léger, mais rien n’y fait.


J’ai la sensation que le duo a parfaitement su redonner son souffle à la mythologie, mais au détriment d’un véritable arc narratif, avec un début, un milieu et une fin. Tout est balancé parfaitement calibré pour qu’on aille du point A au point Z sans esbroufes, peu importe les sauts dans le temps, peu importe la nécessité de tout réintroduire ou de tout expliquer.


Faut dire aussi que c’est le premier Batman à réellement se placer comme une origin story, ça explique donc très bien le résultat sur le papier, mais dans les faits j’ai quand même du mal avec cette façon de raconter un film. TDK et TDKR en souffriront un peu moins, mais cette approche un peu médicale, détachée de la narration, demeurera, et sera retrouvée dans MoS et ses suites.


Mais pour l’heure je parle de Batman Begins, et malgré mes critiques, je ne peux que saluer et louer cette réinterprétation globalement encore réussie.

Chernobill
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le 8 sept. 2021

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