"Batman Returns" fut un succès critique et public en 1992... mais pas assez au goût de la Warner, qui jugea le film trop sombre et violent pour un public familial, et qui aurait voulu écouler davantage de produits dérivés. Pour ce troisième volet, exit donc la team Burton ! Tout le monde est remplacé ou presque (seuls subsistent quelques seconds rôles), et c'est Joel Schumacher qui prend la franchise en main.
Changement radical donc, puisque Gotham City n'est désormais plus une cité expressionniste tortueuse et cauchemardesque, mais plutôt une boîte de nuit baroque géante où éclairages fluo, néons flashy et statues imposantes s'entremêlent (sur ce dernier point, les décorateurs semblent avoir été fétichistes, il y a au moins une statue dans chaque décor !).
Le ton est de même profondément modifié. On passe d'un univers sombre et violent à du presque cartoonesque, souvent à la limite du ridicule (un seuil que franchira allègrement le 4ème volet...). Pour cause, Schumacher semble surtout s'inspirer de la série kitschissime des 60's !
Sur le papier pourquoi pas, sauf qu'à l'arrivée ce n'est guère brillant. Le scénario tente de mettre Batman en avant, et les méchants sont relégués au second plan (l'inverse des films de Burton). Mais si Val Kilmer est plus ou moins convaincant en justicier torturé, la psychologie développée par l'intrigue ne va malheureusement pas chercher loin. La psychiatre de l'intrigue est campée par une Nicole Kidman que les dialogues relèguent au rang de chaudière. Chris O'Donnell, à l'arc narratif pas inintéressant, n'est pas beaucoup mieux loti.
Tandis que malgré le potentiel de complexité du personnage, Two-Face est relégué au rang de clown grotesque qui passe son temps à s'esclaffer, incarné par un Tommy Lee Jones en roue libre. Jim Carrey en fait quand à lui des caisses, à tel point que l'on se demande si les deux acteurs se sont livrés à un concours de cabotinage intensif, rendant leurs scènes communes particulièrement insoutenables.
Et c'est sans compter des scènes d'action pas toujours fluides (le montage enchaîne souvent des tenants et aboutissants plutôt que de montrer réellement l'action). Ou un scénario bourré d'invraisemblances (personne ne s'étonne que Batman clame son identité secrète au milieu d'une foule et juste à côté de la journaliste spécialisée en ragots ?).
Certes, quelques images ont été pensées pour être classes, et devaient en jeter en 1995. Mais les CGI qui les accompagnent ont terriblement vieilli... Reste la musique d'Elliot Goldenthal, qui contient quelques thèmes intéressants, et se démarquent complètement des compositions de Danny Elfman.
De mauvais goût, sans profondeur, mal exécuté : "Batman Forever" est un ratage. Pourtant, sa médiocrité est généralement pardonnée, sa suite étant largement pire !