Rubber Man 2

Ca se voyait déjà dans le premier épisode, mais ici ça saute aux yeux : Tim Burton n'en a absolument rien à carrer de Batman. Batman returns baigne dans la moelle dont est faite toute l'oeuvre du réalisateur ébouriffé, et bat au rythme de ces freaks, ces âmes perdues et solitaires qui exorcisent leurs démons en embrassant une démence décomplexée.

Bruce Wayne a pourtant, dans son ADN, tout du héros burtonien (Nolan l'a démontré 15 ans plus tard). Comment Tim lui-même n'a pas pu s'en rendre compte, cela reste un mystère. Difficile cependant de lui en vouloir tant il est facile de se laisser fasciner par des antihéros grand-guignolesques tels que le Joker, le Pingouin et Catwoman, de se détourner d'un playboy multimilliardaire pour braquer les spotlights sur des marginaux en croisade contre la société corrompue qui les a enfantés.

Comme on se souviendra de Batman pour le Joker, Batman returns restera dans les mémoires pour la folle inspiration baroque qui transpire des pores de l'écran à chaque apparition de Selina Kyle et de Cobblepot. Et sûrement pas pour le personnage éponyme, toujours engoncé dans ce costume en caoutchouc qui insulte l'ergonomie tout en donnant à Michael Keaton la silhouette d'un poteau télégraphique.

Ce dernier se fait d'ailleurs bouffer tout cru par le charisme atomique de Pfeiffer et DeVito. Le jeu de l'actrice - pourtant elle aussi diminuée par un costume culte mais contraignant - témoigne d'une justesse ahurissante et d'une implication à toute épreuve. Elle n'a pas incarné Catwoman, elle était Catwoman. Dans l'allure, l'aisance, dans cet aller-retour constant, sur un fil, entre folie vengeresse et peur de lâcher prise, de basculer du mauvais côté. Moins ambivalent, le Pingouin n'en reste pas moins un régal de détraqué profondément humain.

Batman returns pousse également plus loin l'hommage à l'expressionnisme. Les ombres omniprésentes, le design grandiloquent de personnages aux regards accentués, les sourcils de Walken, cette Gotham irréelle, de plus en plus verticale et étouffante, qui semble faire peser une menace constante sur ses habitants... S'il passe à côté de Batman, Burton aura poussé jusqu'au bout sa vision bien personnelle de l'univers créé par Kane et Finger.