https://www.youtube.com/watch?v=vT9e41fxpHo
Les enfants sont similaires partout dans le monde, ils sont emplis de curiosité et ils s’empreignent de tout ce qu’ils voient. C’est déchirant de les voir se battre pour leur survie [...] . Il s‘agissait donc pour moi de mettre un visage sur ces enfants et de leur donner corps, et non pas de lire ces faits dans un entrefilet de journal.
Cary Fukunaga
Netflix le glouton Américain gobe les droits de projection d'un livre pour son premier long-métrage. Dommage cela privera le film de pouvoir être récompensé par l’institution des oscars. Tiré du roman du nigérian Uzodinma Iweala, le film est réalisé par Cary Joji Fukunaga, "papa" de la série hype du moment True détective.
Agu, jeune Africain dans un pays inconnu de ce vaste continent se retrouve enrôlé dans la milice armée des antimilitaristes. Il met peu de temps avant de faire la rencontre du Commandant qui fera basculer sa vie. Si l'histoire semble banale, entre un Blood Diamond et un documentaire sur l’enrôlement des enfants dans les pays en guerre Africains, là où la véritable profondeur se trouve est dans la trame dramatique du film qui parvient à montrer l'éclosion d'un gamin dépossédé de tout qui n'a nul autre choix que de se soumettre à un nouveau Dieu donnant sens à sa vie.
Quand la haine se retrouve maîtrisée par le Commandant, remarquable manipulateur attractif, c'est l'homme ou plutôt l'enfant qui devient une arme. Le fait de n'avoir posé aucun cadre précis permet de se détacher d'un contexte particulier et nuisible. On est perdu dans ses paysages somptueux ravagés par le feu et le sang, enjambés si naturellement avec le temps par tous ces hommes qui se battent au nom d'un idéal qu'ils ne comprennent même pas.
Agu devient le pantin d'un groupe crée par la guerre. Ce regard critique apporté sur l'origine de ces massacres passe finalement en arrière-plan et pourtant si révélateur :
ce sont les multiples clins d’œil faits à ces journalistes qui passent dans des camions tout en regardant des enfants, portant fusils et munitions, plus lourds qu'eux mêmes. Ces quelques secondes résument bien le caractère futile de la presse, qui semble se battre pour une cause que le monde ne souhaite pas voir, fermant les yeux sur une situation qui n'intéresse pas les Occidentaux. Ce sont de plus des étrangers qui profitent de la situation, profitant d'un pays en plein chaos pour s'emparer de richesses qui permettraient de faire grandir et développer une nation et rendre le sourire à tout un peuple. Puis ces soldats d'une armée protectrice qui tue sans savoir, dictée par des ordres émanant d'une voix supérieure dont personne ne connaît le véritable visage.
Dans ce bordel chaotique, où les arbres et la nature aux sublimes couleurs se retrouvent effacés par la fumée grisâtre, ravagés par les flammes, se trouve cette troupe, cet enfant, ce groupe qui cherche à faire la guerre, sa guerre. Agu représente l'apprentissage de cet art, celui de tuer sans compter. On s'habitue à la couleur du sang, les larmes se mélangent aux flots versés par les vies perdues dans de multiples batailles pour gagner une ville, reprendre un point stratégique, récupérer une cargaison de nourriture. Il dit bien lui-même, en s'adressant à Dieu que seule la mort peut stopper le massacre perpétué par les machines de mort qu'ils sont devenus.
Et malgré la terreur que créer ces monstres, on ne peut pas leur en vouloir. On ne rentre pas dans le cliché de l'enfant soldat qui tout à coup se rend compte que ce qu'il a fait est mal et se met à demander pardon. Il assimile une part de lui, cela est devenu une partie de lui. À coup de spleef et de spleen les sens se perdent, la conscience est déraillée, la machine s'emballe, l'enfant a intégré en lui-même tout le mécanisme de destruction.
Plan séquence final, sans vous dévoiler la fin, laisse un message d'espoir. Avec notre recul on se rend forcément compte de l'horreur des choses mais ce que le film parvient à montrer c'est cette proximité qu'il y a entre nous et ces hommes qui sont nos frères en tant qu'espèce humaine et qui souffrent. Cette souffrance n'est pas en papier mâché, la vulgaire maquette d'une émotion simulée. Non elle est vraiment là. Alors si par le biais de ce film, on peut un minimum comprendre ce qu'est cette souffrance je pense que le film a réussi sa mission.
Pour finir mention spéciale a Idris Elba qui est vraiment le grand bonhomme de ce film.
écrit en 2015