Pour son après Midsommar, qui avait ravi les fans d'horreur arty et décontenancé (pour ne pas dire ennuyé) ceux qui l'avaient trouvé inutilement long et prétentieux, Ari Aster fait un choix pour le moins audacieux, au risque de prendre de court ses spectateurs.
La première heure de Beau is Afraid est formidable tant elle nous fait subir le pire des cauchemars ; ancrage géographique et contemporain réaliste, incapacité de réaction et immobilisme glaçant du personnage, spectateur de sa propre vie et témoin de sa propre dépossession, home invasion à la Mother!, succession de problèmes dans une loi de Murphy atroce, folie, ultra violence, saleté et schizophrénie du tumulte urbain rappelant le Scorsese d'À tombeaux ouverts ou d'After Hours (ou même du Joker, déjà avec Phoenix, et film tout à fait scorsésien), ... Ari Aster prouve ici à nouveau sa force de création visuelle et sonore (un fond bruyant proche de l'enfer qui terrifie dès les premières secondes), et démontre à nouveau sa force de détournement du genre horrifique pour mieux le renouveler.
Pourtant, Beau is Afraid devient progressivement (mais c'était à prévoir), un pensum analytique lourd et bavard, épuisant par sa longueur injustifiée, ses écarts et dérapages scénaristiques permanents et son accumulation de symboliques absconses qui n'appartiennent qu'à son auteur. Le film, qui se fait son propre écho et s'auto-annonce continuellement dans un nœud de Möbius intéressant mais assommant, devient si abyssal qu'il décourage son spectateur, forcé, parce qu'épuisé, de déposer les armes plutôt que de continuer à analyser et tenter de comprendre. Beau is Afraid (qui devait initialement durer plus que les 3h qu'il peine déjà à assumer) aurait du être décliné en plusieurs œuvres, tant l'auteur-réalisateur semble y avoir mis tout ce qui semble le travailler et qu'il creusait et distillait plus finement dans ses deux premières réalisations : l'horreur totale que peut-être le cocon familial, la douleur qu'est l'enfantement et la parentalité, la difficulté de l'héritage.
Dans ce film, beau et laid, terreur et rire, grotesque et violence s'entrechoquent dans un fatras vite indigeste. Cette psychanalyse à ciel ouvert n'avait pas à être publique, et n'avait pas besoin de témoin ; les spectateurs sont pris en otage et deviennent finalement les premières victimes.
Le talent d'Ari Aster est incontestable, mais à trop vouloir dire et montrer, ad nauseam, il perd sa cible et fait souffrir son spectateur qui pourrait se retourner légitimement contre lui.
Tout cela aurait surement mérité un peu plus de canalisation.