S’il y a bien une qualité qu’on ne peut dénier à ce Ari Aster, c’est qu’il a aussi peur du ridicule que moi j’ai peur devant ses films, c’est-à-dire pas une seconde. Cette témérité artistique se traduit dans ce nouvel opus par une obèse psychanalyse illustrée qui vise clairement le chef d’œuvre. Je dis bien illustrée car ce cas psychanalytique très basique ne sert pas de point de départ à une exploration plus large ou plus ouverte, il constitue l’essentiel du récit, autour duquel l’auteur brode – dans un unique souci de remplissage – une suite d’épisodes pseudo-géniaux où l’étrangeté est surlignée par le fait qu’absolument tout le monde se comporte comme un cinglé et que tout est bizarre 100% du temps. Une étrangeté quantitative de studio qui n’a rien à voir avec la troublante étrangeté de l’ordinaire, où le réalisateur a mis autant de curseurs à fond qu’il a fallu pour épater dans les multiplex, et dont quelqu’un de malveillant dirait qu’elle est celle d’un crétin qui se prend pour un fou. Tout ça est d’autant plus ridicule que scénaristiquement ça finit en queue de poisson, comme une preuve définitive de la pauvreté de ce qui a précédé. C’est peu comme le film de James Gray qui nous avait fait traverser tout le système solaire pour une dispute entre papa et fiston.
Et non seulement l'esprit du film est fat et lourdaud, mais même son excécution est remplie de défauts. Les ficelles de scénario à base de quiproquos forcés sont des plus grossières, visuellement on n’arrive pas vraiment à sortir du clichetonneux à part à l’occasion de 2 ou 3 images horrifiques très réussies et la solennité générale plombante n’est que rarement interrompue par quelques moments d’humour grotesque. Mais au sommet des défauts trône impérialement l’interprétation calamiteuse de Joaquin Phoenix qui, en geignant et en marmonnant sans s’arrêter, vampirise moins le film qu’il ne sert de stabilo au réalisateur pour signifier à coups de marteau le cauchemar, l’inquiétude et la peur. Mais pas seulement car Joaquin ajoute sa petite touche personnelle en surjouant même immobile, voire de dos.
Même l'éventuelle vertu thérapeutique pour l’auteur laisse pour moi un goût d’inachevé. Car il y a quelques mois nous avions eu Babylon, tout aussi spectaculairement raté et obsédé par la grandeur, le grandiose enfin tout ce qui est grand quoi … et c’est bien cette mégalomanie venteuse et fébrile du jeune cinéma masculin américain qui me paraît mériter une bonne psychanalyse …