De Felix Van Groeningen, soyons parfaitement honnête, je n'ai rien vu, rien lu, nada, pas même Alabama Monroe qui désormais va figurer tout en haut de ma liste d'envies. J'ai honte parce que Belgica traîne derrière lui une patte experte, une personnalité fort bien construite, mûre, vibrante, tout simplement belle. De ce dont je n'ai pas honte au contraire c'est de m'être, une fois de plus, laissé prendre au jeu de la Cinexpérience.
Nous étions rassemblés, ignorants que nous étions encore, dans cette salle obscure, découvrant petit à petit l’œuvre projetée. Le film débuta et sans détour il me rebuta, sa langue, le flamand, me rebuta. Mélange complexe de français, d'anglais et d'hollandais, le choc subsista un temps jusqu'à ce qu'il ne meure pour laisser champ libre à la contemplation. Je découvris ces personnages ; Jo et son œil unique, homme assurément complexe, aussi intelligent que distant, trop pour être percé à jour dirons certains, il est le petit frère de Frank, l'éternel adolescent craignant par dessus tout de passer à côté de sa vie, l'homme qui détruit, blesse, veut savourer l'existence sans entraves quitte à faire souffrir sa famille et les siens.
Jo bosse dans son bar, le Belgica, un rade comme il en existe des centaines, vivotant au dessus des relents de bière et de clopes quand ce ne sont pas les chiottes qui débordent. Jo n'aspire à rien de plus dans sa vie, il se laisse porter par elle sans se demander de quoi sera fait le lendemain. C'est dans ce contexte de stagnation qu'intervient Frank, le frère aîné, et ses délires de grandeur, d'extase sans limite. Frank apporte alors à Jo cette étincelle qui lui faisait défaut, si bien qu'ensemble ils vont cimenter leur relation fraternelle autour d'un projet commun : remettre à neuf les entrepôts de derrière le Belgica, en faire une immense salle de concert, une arche de Noé, comme ils disent, un endroit où se lâcher, danser et hurler à la mort qu'elle ne nous prendra pas de si tôt. D'un projet démesuré c'est surtout la maturité et l'intégrité qui va s'installer peu à peu chez Jo tandis que Frank plongera, lui, dans sa quête futile de l'instant figé, l'instant irresponsable, irréfléchi, produit de pure pulsion que l'on a tous un jour recherché.
Belgica ne saurait être ce qu'il est sans sa bande son du tonnerre, ses morceaux puissants, entraînants, nous poussant presque, spectateurs que nous sommes, à danser et lever le coude entre deux cris. Ce qui est véritablement dingue, c'est de savoir que tous les groupes fictifs qui se succéderont sur la scène du Belgica n'appartiennent qu'à un seul, vrai pour sûr, Soulwax. Des rythmes saccadés et nerveux en passant par de l’électro aux basses vibrantes comme des battements de cœur, du saxophone et autres sons divers, tout y est, ravissant ou excitant nos esgourdes. On ne reste pas indifférent dans tous les cas. D'une manière ou d'une autre, on participe à cette ambiance, on bouge instinctivement les genoux, remue légèrement la caboche de haut en bas, on commence à se laisser aller sans complexe. On a envie de se jeter par delà l'écran, rejoindre l’attroupement, sauter partout et se foutre de la vie, des conséquences.
Mais le Belgica n'est pas qu'un bar tout comme le film n'est pas un gigantesque clip de deux heures, c'est le théâtre de cet instant tant recherché que j'ai évoqué plus tôt. Au Belgica il n'y a pas d'avenir, pas de passé, que l'instant, hic et nunc, l'ici et maintenant. Ces ce avec quoi nos protagonistes vont tout au long de l'histoire tenter de se dépêtrer au risque de perdre l'authenticité de leur entreprise.
Un film extraordinaire.
Un film qui transpire de charisme.
P-s : Alors en plus si l'équipe de la Cinexpérience nous offre des bières belge en fin de projection, je suis doublement ravi !
P-p-s : https://www.youtube.com/watch?v=LBq3jgATkZY
https://www.youtube.com/watch?v=Ef3zk-QFM9Y