Un film islandais sur le quotidien difficile d'agriculteurs spécialisés dans les béliers, cela pourrait donner des envies de déserter. Et ce serait rater un grand film.
Malgré son humour, Béliers est bien une tragédie, une tragédie magnifiée par un humour salvateur, parfois terrible. Un film sur la solitude, sur la haine infondée qui déchire parfois des familles et des gens qui devraient pourtant d'aimer, sur la perte de tout ce que l'on aime et de tout ce que pourquoi l'on vit, sur la dignité dans l'épreuve, sur une réalité difficile et que ce film tend à mettre en avant ; car si c'est du monde paysan islandais qu'il est ici question c'est bien du monde agricole en général que le film parle, du quotidien douloureux de ces hommes qu'un état trop régulé cherche à abattre petit à petit. Sigurður Sigurjónsson, l'un des plus grands acteurs islandais incarne à lui seul ces milliers d'hommes et de femmes : dans son regard et sur ses rides se lisent la fatalité, la dignité dans l'épreuve, dans son silence s'entend la douleur mais le courage à toute épreuve.
Malgré son titre, Béliers est bien une tragédie humaine. Deux frères au cœur de l'histoire, séparés sans qu'on sache pourquoi, isolés dans cette plaine polaire, seuls avec eux-mêmes et leurs bêtes, et les béliers de les mener à se retrouver, de le mener à leur fin dans une étreinte glacée sublime qui en une seconde et une larme d'amour balaie quarante ans perdus de haine. Battre la haine par l'entraide, par l'amour, c'est un message plutôt facile, mais subtilement traité par ce duo de comédiens exceptionnel.
Avec ses travellings maîtrisés, sa photographie rude, âpre, mais toujours inventive et belle, Grímur Hákonarson, dont c'est le premier long-métrage, réussit son passage à la fiction et son entrée dans le monde du cinéma avec cette tragédie superbe mais dure, richement documentée.