En fait je m'attendais à un petit film pépère, ronflant et sans vie, j'ai eu avec surprise, un petit peu plus que ça de la part du regretté Chabrol.
Alors oui comme j'ai pu le lire un peu partout, il ne s'y passe pas grand chose et l'on devine à l'avance l'intrigue policière en question, d'autant plus qu'à part Depardieu et Cornillac, le reste du casting est un peu à l'ouest le plus souvent (mention spéciale à Gamblin à la fête du slip et la sublime Vahina Giocante qui ne sert pas à grand chose même si on est content qu'elle soit là).
Mais je pense qu'effectivement là n'est pas spécifiquement le but du film (ce que Chabrol surligne à la fin en citant W. H. Auden). Et la fin m'a par là-même rappelé tous les échanges entre Depardieu et son frère qui se superposent à l'histoire du SDF qui voulait mourir. Beaucoup de dialogues entre les deux frères semblent ainsi éclairer leur rapport malgré le fait qu'il est évident que Depardieu ne semble pas comprendre au premier abord que l'enquête sur laquelle il est, peut agir en résonnance sur Clovis Cornillac et qu'en quelque sorte l'histoire est en train de se répéter (c'est aussi une subtile mise en abîme de la carrière de Chabrol quand on prend du recul : un travail de variations constantes sur le genre cinématographique pour apporter à chaque fois quelque chose de connu mais qui surprend quand on gratte le vernis).
A un moment, le commissaire Bellamy résume à son frère et sa femme (Marie Bunel) son enquête : "c'est l'histoire d'un type qui veut tuer un type qui veut crever". A ce moment Cornillac, passablement ivre répond "tu veux m'aider à mourir ?". La femme du commissaire recentre alors l'histoire dans son cadre policier "mais non, il parle d'autre chose, il parle pas de toi".
Sauf que.
SPOILERS.
Pourtant mis sous cet éclairage et sa fin désespérée, Bellamy est avant tout non pas un film policier mais l'histoire de deux frères qui s'ignorent. Peut-être même l'histoire de l'un, au bout du rouleau qui va rendre une dernière visite à son aîné parce qu'il sait qu'il va se tuer sous peu et que, s'il agit en connard face à son frère c'est non seulement pour se mettre au même niveau mais agir une dernière fois en défi pour quelqu'un qu'il a tout autant admiré que détesté. Par respect pourrait-on dire.
Dans cette optique, la lucidité de Bellamy est tout autant de se douter inconsciemment de ça que de jouer le jeu tout en ayant par moment des gestes touchants comme s'il comprenait presque son frère --lui passer les clés de la mercedes par exemple. Les séquences entre la femme du commissaire et le frangin participent à cette confusion mentale même si à mon sens c'est comme agiter un linge rouge devant le taureau, trop facile, surtout venant du père Chabrol. Et en même temps l'adultère est bien possible mais le personnage de Marie Bunel étant plus tolérante et ouverte que le commissaire, on pourrait y voir sans doute aussi de la pitié. Bref, encore un Chabrol faussement simple qui possède plusieurs niveaux.
"J'aimerais être comme toi, avoir le dernier mot" disait Clovis Cornillac. Ce qu'il eut avec son dernier geste dans une scène finale qui répond à l'ouverture.
Depardieu répondait, haineux, à ce moment : "ça s'apprend pas ça, tu auras le dernier mot quand tu casseras ta pipe". Tout est là dans ce programme qui ne cache jamais son fil rouge tout en témoignant des multiples failles ouvertes ça et là avec un certain brio.
Pas un grand Chabrol mais un film plus qu'intéressant porté d'agréables touches d'humanisme.