Si vous cherchez un péplum épique oubliez Ben Hur et dirigez vous vers Le Cid, considéré par Martin Scorsese comme un des meilleurs films épiques jamais tournés. Produit deux ans plus tard, il figure comme un frère à Ben Hur, qui aurait appris des erreurs de ce dernier. Nous avons le même Charlton Heston, le même brillant compositeur Miklós Rózsa, mais cette fois ci, un réalisateur ! En effet, Ben Hur, mis en scène par William Wyler, est à ma grande surprise petit joueur, constitué aux 3/4 de dialogues en champ / contre champ en plan fixe. Où sont les mouvements de caméra grandioses et les paysages magnifiques qu’on attend de ce genre de films ? Vous les trouverez dans le film d’Antony Mann, qui, contrairement à William Wyler, exploite entièrement les moyens mis à sa disposition.
La lumière sculptante superbement artificielle de l’époque est somptueuse dans Le Cid, éclairé par Robert Krasker, qui conjugue onirisme et naturalisme comme personne. De son côté pour Ben Hur, Robert Surtees n’est pas très inspiré et, à par quelques exceptions, éclaire tout cela de manière très plate. Même chose niveau compositions : Krasker et Mann exploitent pleinement le Cinémascope en nous offrant des cadres riches, quand Ben Hur ne sait que faire de son trop grand rectangle (qui était pour le coup exceptionnellement large, au format 2.66) : c’est à tel point qu’on pourrait presque le cropper en 4/3 et ne voir aucune différence..
Dans les deux cas, notre copain Charlton est mise en scène comme un héros de légende. Une foi inébranlable ? Check. Une éthique solide comme un roc ? Check. Hyper masculinité vieillotte ? Check. Super sérieux tout le temps ? Check. C’est savoureux car délicieusement daté et c’est ce pourquoi on peut aimer se replonger dans ce genre de films, tout en premier degré, qui n'existent plus aujourd'hui à Hollywood.
Maintenant l’avantage de Le Cid est de concentrer tous ses efforts sur le Cid éponyme, contrairement à Ben Hur qui guimauve sans fin sur le mystique autour de Jésus Christ à travers des dialogues à la subtilité d’un bulldozer. Le Cid, avec les mêmes thèmes de foi, de tolérance et d’honneur, ancre l’histoire dans une réalité concrète, où les choix des personnages ont des impacts substantiels. Les thématiques sont filtrées à travers des actions et non pas expliquées à haute voix. Résultat, le film est très riche et passionnant, quand Ben Hur reste vaporeux et s’éternise en essayant de nous vendre (mal) un exemplaire de La Bible.
Quant aux rôle féminin.. La description du personnage d’Esther par les scénaristes de Ben Hur devait ressembler à « objet des attentions amoureuses du personnage principal ». Point. On est là sur un exemple de pauvreté archétypale de l’écriture de personnage féminin à Hollywood. C’est 1959, c’est du péplum, personne n’est surpris.. C’est là que Le Cid est encore une fois meilleur et propose un véritable personnage et pas une figurante. Sur le papier, le personnage de Chimène, incarnée par Sophia Loren, est également l’objet des attentions amoureuses du personnage principal, seulement, elle n’y est pas réduite. Au contraire, elle fait partie intégrante du scénario et l’histoire serait complètement différente si elle n’était pas là.
Alors oui, la course de char, est pour le coup, très cool. Là, on apprécie l’artisanat Hollywoodien dans toute sa splendeur. On admire la séquence en ayant conscience que 100% de ce qu’on l’on voit a été véritablement tourné, et c’est glorieux. Que j’ai grimacé devant cette violence qui m’a pris aux tripes ! Mais voilà, la course en elle même dure 9 minutes. 9 minutes, sur 3h42 de film. Ouch.
Si il y a bien une chose où Ben Hur brille presque autant que Le Cid, c’est musicalement. Car Miklós Rózsa, qui a donc composé la musique pour les deux films, est un génie, tout simplement. C’est le meilleur compositeur de l’âge d’or d’Hollywood et ça s’entends. Le caractère « épique » de ces films est procuré avant toute chose par ses partitions. C’est le véritable héros derrière ces films, comme son successeur John Williams. Maintenant la musique de Ben Hur, bien que souvent magnifique, comprends des passages assez difficiles à apprécier aujourd’hui, scénario oblige. Des cuivres ostentatoires figurant l’empire Romain d’une part, et un orgue franchement cheap dès que le Christ est de la partie. On ne peut incriminer Rózsa qui a fait exactement ce qu’il fallait dans ce contexte. Le reste de la B.O. est à tomber par terre, créant cette ambiance mythique. Maintenant, le scénario de Le Cid permet à Rózsa de conjuguer ce même aspect mythique à un romantisme flamboyant sans aucun complexe, digne des meilleurs compositeurs du 19ème siècle, le tout teinté d’un caractère Espagnolisant délicieusement stéréotypé.
Oubliez Ben Hur, foncez voir Le Cid.