Ben Hur. Parmi les films dont le titre ne laisse rien supposer de l’intrigue, nous avons ici un gagnant. En plus, à cause de la jaquette, j’ai personnellement toujours cru qu’il s’agissait d’une histoire de châteaux forts. Hé bien en fait, pas du tout.
Le film s’ouvre sur la naissance de Jésus et se ferme sur sa mort. Entre les deux, on suit quelques années de la vie de Judah Ben Hur (qui n’est pas Judas), un riche noble juif qui, refusant de trahir son peuple, s’est attiré la haine de son ancien ami d’enfance devenu tribun de Jérusalem. Puis, bon, c’est classique, envoyé aux galères, il sauve la vie d’un consul, est libéré, adopté, cherche à se venger, tout ça. Enfin, en gros, parce que le film fait trois bonnes heures, et même s’il a parfois tendance à se montrer contemplatif, il enchaîne quand même plusieurs rebondissement.
On est dans du péplum tout ce qu’il y a de plus péplum. Ici, le grain, la musique, le jeu, tout sent le vieux film, l’épopée et les muscles des esclaves à moitié nus. Parce que, oui, le film a été tourné par William Wyler en 1959, donc on est entre Les Dix Commandements et Spartacus, et ça se voit. On est par exemple encore à cette époque du cinéma où le jeu est plus important que la représentation (et dans un genre où c’est particulièrement vrai). Chaque posture, chaque expression signifie et montre quelque chose.
C’est d’ailleurs très intéressant et amusant de comparer le jeu des femmes, chez qui c’est le corps avant tout qui s’exprime et celui des hommes, où les regards, les visages, ont beaucoup plus d’importance.
Deux autres choses propres à la mise en scène du film m’ont marquée. Tout d’abord, le nombre assez grand d’action en temps réel ou presque, ensuite, le vues et les paysages. Les deux vont très bien ensemble, l’une donnant du charme à l’autre, l’autre donnant du temps à l’une. Je pense entre autres à la scène de l’arrivée du consul sur la galère et à celle qui suit l’adoption de Ben Hur. Elles sont simplement géniales, à mon sens, esthétiquement et rythmiquement.
D’ailleurs, il faut absolument que je le signale, entre ce deux moments, il y a l’empereur (Tibère, si j’ai bien compris. C’est chouette, je n’avais pas du tout conscience qu’il était l’empereur de Jésus. Pour moi, c’était juste celui qui faisait les trucs les plus étranges dans la Vie des douze Césars de Suétone), et l’empereur m’a laissée totalement « lol » à chaque instant. Il est perturbant de pathétique, c’est impressionnant. Chacun devrait voir ce film, ne serait-ce que pour l’empereur.
Une autre scène qui vaut le coup, c’est celle de la rencontre avec le Cheik. Elle est vraiment légère et cocasse, je suppose qu’elle a été pensée comme pause comique pour diminuer et accentuer le côté dramatique du reste. En tous cas, la réplique « One God, that I can understand, but one wife, that is not civilized! » (« Un Dieu, ça je peux le comprendre, mais une femme, ce n’est pas civilisé ») restera dans mes annales personnelles..
Donc voilà, j’ai passé du bon temps avec un film qui, s’il n’est pas ce que le cinéma a fait de mieux, est bien monté et bien pensé. Il marque son temps, mais Orwell aussi, et ça n’a jamais empêché de le lire et de l’apprécier.
Cela dit, en ce moment, les relations pupille/mentor ambigües où le mentor finit évincé ou délaissé, ça me brise complètement le cœur, du coup, j’ai passé ma soirée à me dire que Ben Hur n’était qu’un monstre, ce qui n’était probablement pas exactement le but recherché. Mais bon. C’est sans doute la moitié du charme.