Ben X
6.6
Ben X

Film de Nic Balthazar (2008)

Critique rédigée en juin 2019


Ben, jeune flamand guerrier dans l'âme, s'observe face à un miroir. Face à lui, s'affiche un individu renfermé et esseulé (autrement dit, un looser), atteint d'une pathologie qui lui vaut d'être observé de haut par la société dans laquelle il vit, et surtout par ses camarades de classe sadiques. Pour lui, chaque nouvelle journée est un niveau de jeu vidéo à franchir nécessairement, et où les coups donnés par les autres équivalent à la perte d'une vie. Seul sa chambre lui sert de refuge, dans laquelle il communique avec une adolescente du nom de Scarlite. Elle accompagne Ben de plus en plus régulièrement dans son quotidien et est l'unique personne en qui il a confiance.
Armé d'un crucifix substituant l'usage de la parole et des coups, sera-t-il vainqueur de sa vie marquée par la solitude et la peur? Y a-t-il moyen de fuir le recours à la mort?


Je ne vais pas passer par quatre chemins: Ben X, oeuvre du réalisateur belge Nic Balthazar, est l'apogée du cinéma d'angoisse. A longueur d'années, on nous vend des films d'horreur jouant sur les effusions de sang et l'inconscience excessive des personnages les poussant à squatter des lieux insensés. Pourtant, aucun ne parvient à piquer autant là où ça démange que celui-ci.
"Ben X" nous plonge dans un spectacle de terreur pure, pour la raison évidente qu'il relate une histoire réelle et vécue au quotidien par des milliers (des millions?) de personnes.
Au travers d'une mise en scène nerveuse, tordue (telle les mauvais esprits que Ben est contraint d'affronter au cours des boss), rythmée d'une musique techno échauffée, le jeune Greg Timmersmans narre les troubles psychologiques torturant son personnage, insensible face au monde qui l'entoure. Il s'adresse au spectateur comme on s'adresse à un ami pour lui offrir des conseils précieux pour son avenir. Or, ni le proviseur de son école ni ses parents ni les garçons et les filles de son âge ne parviennent à le sauver de la vague qui le bloque au fond d'une mer agitée.
Scarlite est la déesse d'un monde, le sien. Lui seul peut la voir mais lui-même ne peut lui parler. Est-elle réelle ou est-ce le fruit d'une illusion ?


Le film réexplore implicitement le mythe du Christ avec un personnage, certes moins atypique, mais reliés par la différence. Scarlite représente Dieu, celle à qui Ben (Jésus) obéit et dont il serait le messager.


La scène cauchemardesque du combat au crucifix durant laquelle Ben se fait passer à tabac par deux camarades sans pitié. Scarlite lui dicte littéralement comment se défendre et ne pas se réduire à sa réputation de loser.


L'Agneau de Dieu est en réalité le jouet d'une société (Judas) dans laquelle la mort est l'unique recours pour "devenir quelqu'un".


Effectivement, Ben filme son propre suicide afin d'attirer l'attention de sa communauté, avant de réapparaître durant une cérémonie d'adieu dans le but d'abattre de honte ceux qui lui ont fait du mal. La supercherie rappelle ainsi la résurrection du Christ. Tel Jésus, il prêche le poids des mots et des coups qu'il reçoit.


L'horreur grandissante que dégage l'atmosphère prend le pas sur cet éventuel message à y lire. En effet, parmi les insultes adressées à Ben, on y entend "Jésus". Tel ce dernier, appelé "roi des Juifs" avant sa crucifixion, Ben suscite la haine d'autrui par son unicité. Une unicité non-désirée le poussant à commettre des actes parfois désastreux et incontrôlables. Une personne peut ne plus être maîtresse d'elle-même, être écarté du troupeau auquel il appartient, et se voit démunie de tout soutient de la part d'autrui, la poussant à l'humiliation.


Humiliation atteignant son paroxysme dès la diffusion de la vidéo montrant Ben exposé debout sur une table et déshabillé par ses camarades. Scène éprouvante d'autant qu'elle peut susciter un sentiment de réminiscence chez beaucoup.


Âmes sensibles, s'abstenir. Ce que j'entends par âmes sensibles, ce sont celles qui y mérissent une mise en garde sur la dureté de la vie. Chacun a un quotidien parsemé d'embûches, mais n'aurait-t-on pas tous un dieu bienveillant nous assurant le confort ? Le film explore ainsi la fureur de vivre d'un innocent qualifié d'ahurie par tous ceux qui jugent anormal d'être discret et peu attentif à ce qui nous entoure.
J'ai vu ce film dans son intégralité une unique fois et je n'ai vraiment pas l'intention de le revoir. J'en tremble toujours, je veux me boucher les oreilles, me cacher les yeux face à un telle atrocité. Un film qui pousse à réagir, criant de vérité et qui ne laisse pas indemne.

Créée

le 18 déc. 2020

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