"Berlin, die Sinfonie der Großstadt," réalisé par Walter Ruttmann en 1927, est une œuvre emblématique du cinéma documentaire qui capture un jour dans la vie de Berlin, reflétant l'effervescence de la métropole dans les années 1920. Le film est principalement connu pour sa contribution au genre documentaire, introduisant une nouvelle façon de voir et de comprendre la vie urbaine à travers l'objectif d'une caméra.
Ruttmann a employé des techniques cinématographiques avant-gardistes, notamment l'utilisation extensive du montage et des prises de vue dynamiques, pour capturer l'essence de Berlin. Son approche était radicalement différente de celle des documentaires traditionnels, mettant l'accent sur la visualisation de la ville comme un organisme vivant, pulsant au rythme de la vie quotidienne de ses habitants. Ce choix esthétique a contribué à l'ambiance et au rythme hypnotique du film.
Ce film s'inscrit dans un contexte historique riche, à une époque où Berlin était un centre d'innovation et de bouleversement socio-politique. L'après-première Guerre mondiale et la montée de la République de Weimar ont créé un climat de changement et d'expérimentation dans les arts et la société. "Berlin, die Sinfonie der Großstadt" reflète cette période de transition, capturant à la fois l'optimisme et l'angoisse qui caractérisaient la ville.
L'une des thématiques centrales du film est sa fascination pour la machine et la technologie, manifeste dans la manière dont Ruttmann dépeint les trains, les tramways, et les foules en mouvement. Cette obsession pour le progrès technique trouve des parallèles dans le futurisme italien, qui célébrait la vitesse, la mécanisation, et l'industrialisation. Toutefois, à la différence du futurisme, qui était souvent imbriqué avec des idéologies politiques radicales, le film de Ruttmann semble se tenir à distance de toute propagande explicite, préférant se concentrer sur l'esthétique et l'expérience sensorielle de la ville.
Néanmoins, l'œuvre de Walter Ruttmann doit être considérée à travers le prisme de ses actions et affiliations politiques ultérieures, notamment son adhésion au Parti nazi en 1933 et sa collaboration à des œuvres de propagande national-socialiste. Cette facette de sa vie éclaire d'une lumière différente son travail et invite à une relecture critique de son approche artistique et de ses motivations. L'adhésion de Ruttmann au Parti nazi et sa participation à des projets comme "Les Dieux du stade" de Leni Riefenstahl, un film commandé pour les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, révèlent une dimension politique et éthique complexe. Ces actions suggèrent une certaine complaisance, voire un engagement, envers les idéaux et l'esthétique promus par le régime nazi, connus pour leur utilisation de l'art et du cinéma comme outils de propagande. Le film, initialement perçu comme une célébration neutre et avant-gardiste de la vie urbaine, peut aussi être examiné à la lumière des tendances esthétiques valorisées par le nazisme, telles que l'ordre, la puissance, et un certain idéal national technophile.
"Berlin, die Sinfonie der Großstadt" est une œuvre capitale dans l'histoire du cinéma, pour sa contribution au genre documentaire mais aussi en ce qu'il saisit l'expérience de la modernité urbaine. Le film de Walter Ruttmann est une célébration de la vie urbaine, avec toutes ses contradictions et ses merveilles, et offre une perspective précieuse sur un moment clé de l'histoire européenne.