A défaut d’instruire, la comédie de Léa Domenach amuse, notamment grâce à la performance géniale de Catherine Deneuve, qui semble beaucoup s’amuser dans le rôle de Bernadette Chirac. Le film n’est pas sans défaut mais il dresse habilement un portrait pas toujours flatteur de l’ex-première dame et de la classe politique française de l’époque.
Quand elle arrive à l’Elysée, Bernadette Chirac s’attend à obtenir enfin la place qu’elle mérite, elle qui a toujours œuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président. Mise de côté car jugée trop ringarde, Bernadette décide alors de prendre sa revanche en devenant une figure médiatique incontournable.
La réalisatrice est la fille d’un journaliste politique mais elle n’adopte pas le point de vue du prisme politique, bien que les Inrocks ait trouvé le film « droitard » et Libé « Macroniste ». Non, ce qui intéresse avant tout Léa Domenach est Bernadette Chirac et sa transformation de première potiche de France en personnalité médiatique, occultant même un temps son mari auprès des français.
Léa Domenach l’a répété à longueur d’interviews et le film l’annonce dès le début, ce film est une fiction. Quiconque ne connaîtrait pas bien Bernadette Chirac ne saurait pas vraiment démêler le vrai du faux. Mais la réalisatrice dissémine de ci de là des faits véridiques comme l’omniprésence de Claude Chirac dans la vie de Jacques Chirac, la fragilité de Laurence Chirac. On réentend quelques répliques véridiques comme celle-ci plutôt pas mal quand elle s’étonne du nombre de journalistes qui l’accueillent: « Je ne suis pas Claudia Cardinale, ni Gina Lollobrigida ». Allusion cinglante à une rumeur de liaison entre son mari et Claudia Cardinale.
Si le film suit le schéma très récurrent ces temps-ci de l’empowerment féminin (le récent ‘Barbie’ par exemple), Domenach brosse tout de même un portrait nuancé de l’ex-première dame. On l’observe certes devenir une figure médiatique de premier plan, mais on la voit dure, parfois méchante particulièrement avec l’entourage de son mari. Si Sarkozy est un « traître » à jamais, on la voit s’arranger avec lui pour l’après-présidence, rapport aux casseroles de son époux.
L’intelligence du film est d’avoir su sélectionner quelques épisodes marquant des deux mandats Chirac : l’élection en 95, l’échec de la dissolution en 97, le FN au second tour de l’élection de 2002. On sent d'ailleurs que Bernadette Chirac avait un flair politique certain, parfois plus aiguisé que celui de son mari. Pour mieux ancrer l’époque, Domenach utilise habilement les vidéos d’archives pour mieux montrer l’atmosphère de l’époque.
Si le film manque de rythme à la fin, il se distingue des autres comédies françaises par sa qualité d’écriture. Domenach a le sens des répliques (comme ce dialogue entre les deux époux, Lui : «- C’est important, la fidélité. Elle : - Première nouvelle.») mais sait surtout écrire des scènes. Comme celle-ci : le chauffeur du couple ouvre la portière de gauche arrière pour Jacques, mais ouvre la portière de droite à l’avant pour Madame. Choquée, celle-ci ouvre la portière de droite à l’arrière pour y trouver déjà assise sa fille Claude. Cette scène dit tout et sans dialogues : l’omniprésence de Claude Chirac qui a pris la place de sa mère auprès de Jacques Chirac.
Dans le rôle-titre, Catherine Deneuve fait des étincelles. On la sent beaucoup s’amuser et elle est absolument parfaite. Face à elle, Michel Vuillermoz incarne un Chirac assez gaulois, souvent risible. Dans le rôle des filles, Sara Giraudeau est une Claude Chirac exaspérée et Maud Wyler est une Laurence Chirac blessée, écorchée.
Le film est imparfait mais drôle. On passe un bon moment devant ce film qui ne marquera pas l’époque mais qui divertira et c’est déjà ça.