Bestiaire c'est avant tout un documentaire sur un zoo. Très dans l'inspiration cinema du réel, avec ces longs plan fixes qui minimisent l'intrusion de l'auteur, qui tentent au maximum de nous restituer les faits, les images, mais surtout la foule de détails qui font le quotidien.
Premier constat, on se prend très vite au jeu, c'est interessant, on ignore des tas de choses sur ce monde. De l'architecture à la vie des animaux, les soins, la taxidermie, les mots des soigneurs. De façon très interessante, il n'y a que rarement un seul objet dans le cadre, Côté filme toujours à la fois les animaux, l'architecture et les soigneurs, le zoo vu comme un tout. Tout est filmé avec beaucoup d'apropos, minimaliste mais avec un sens du détails certains. Comme pour les comissariats ruraux (Comissariats) ou les grands restaurants (Entre les Bras), quand on sort du reportage télévisé et que l'on se calme un peu, on découvre milles choses passionantes.
Mais laisser la caméra tourner pour que les sujets l'oublient, cela se justifient quand se sont des humains. Mais là, qui allait-on déranger ? Les animaux ? Le murs et les cages ? En fait c'est surtout pour laisser du temps au spectateur. S'ajoute donc une seconde couche à ce documentaire, celle de notre interprétation nécessaire. On ne peut pas rester devant un animal en cage sans projeter sur lui toute sortes de fantasmes. Les animaux vont être marrants, comme ce lama avec son air de dandy, puis angoissé, un peu malmenés sans doute. Les cages se font un prison, trop serrées, filmées par des caméras de sécurités, la taxidermie tourne à la scène gore.
Mais Denis Côté est un malin, il ne nous assène pas une fiction plaquée sur le réel. Il joue un peu avec les images que l'on a dans la tête, de façon ironique et amusée, sans jamais s'éloigner de son sujet. Ce qui fait tout «notre cinéma» retombe, ce n'est pas plus une prison que les singes ne font les clowns, c'est juste un zoo, des animaux ramolis et des gens qui font leur boulot.
Cela donne une force incroyable au film et lui confère ce double intérêt : documentaire d'un côté et film à l'esthétique reflexive* de l'autre.
*Cette expression ne veut rien dire, je ne la comprend pas moi-même, mais ça fait classe.
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